"...Some are born to endless nights..."

Un film intriguant


C'est ma toute première critique sur ce site,prenez le comme ma "réincarnation cinéphile" au travers de "Dead man" au centre duquel les thèmes de mort et de naissance sont omniprésents.Ayant beaucoup apprécié Johny Depp dans "La malédiction du Black Pearl" qui campait à merveille ce pirate excentrique et désabusé,cela faisait longtemps que je voulais le voir jouer dans d'autres films.Cependant,les évênements de la vie firent en sorte que ma consommation de films chuta énormément au cours des dernières années,et je ne pus jamais satisfaire ma curiosité à l'égard de cet acteur.Je l'avais bien vu dans "Charlie et la chocolaterie" mais le film m'a laissé une très pauvre impression et c'est surtout dans un rôle plus grave et moins dirigé dans la case "divertissement familles" que j'attendais de voir ce que son talent pouvait donner.
Du coup,résolu à rattraper un peu ces années de disette cinématographique,j'ai recherché des tops des meilleurs films avec Johnny Depp et "Dead man" a très vite attiré mon attention,chose naturelle vu mon respect pour le genre du western qui a donné naissance à plusieurs de mes films préférés que cela soit via John Ford ou Sergio Leone pour ne citer qu'eux.
Mais c'est lorsque j'ai lu que Jarmusch avait travaillé avec Wim Wenders à qui l'on doit le fascinant "les Ailes du Désir" que j'ai su que je devais voir ce film.


La première chose qui m'a frappé,c'est la beauté de ce noir et blanc,possiblement le plus beau que j'ai pu voir,quasiment chaque plan est un régal pour les yeux tant au niveau du cadrage qu'à celui de la lumière si particulière qui se répand et crée des contrastes puissants.
Et ce visuel esthétique au grain irréel se mêle à la bande son de bonne facture composée de riffs de guitare lancinants et évocateurs afin de renforcer cette impression de vision chamanique conférée au film.


Johnny Depp est un jeune comptable qui vient de perdre ses parents et qui vient dans la ville de "Machine" pour y travailler.
Il va vite déchanter en entrant au contact de l'Amérique,celle du "stupid fucking white man",alors en pleine expansion.Il est renvoyé sous la menace du fusil par le directeur qui était censé l'employer et rencontre dans la foulée une jeune femme qui se prostitue.Il passe la nuit avec elle mais au matin,un homme surgit dans la chambre et tire sur elle,la tuant sur le coup et blessant William Blake A.K.A Johnny Depp.Celui ci fait feu sur lui en retour et l'abat,il prend alors la fuite.
Il se réveille en compagnie d'un inconnu,un amérindien qui est en train de lui retirer la balle de son thorax.Celui ci le prend pour la réincarnation du poète William Blake quand il apprend son nom.Il le prend sous son aile et c'est ainsi que commence un long voyage initiatique pour le jeune comptable.


Bien que l'atmosphère du film vaille le détour,le manque de rythme se fait ressentir après un certain temps.Je comprend la volonté du réalisateur de construire très lentement son récit,de manière hypnotique mais même les partitions les plus lentes possèdent un rythme idéal qui manque cruellement ici.Je pense que Jarmusch aurait soit dû raccourcir la pellicule d'une vingtaine de minutes soit l'allonger d'au moins une grosse demi heure car là,il semble un peu tiraillé et à l'étroit dans sa narration.


Parlons maintenant de la performance des acteurs qui m'ont globalement un peu décus.Commençons par celui dont j'attendais beaucoup:Johnny Depp,et force est de constater que ce rôle lui va bien et qu'il le joue avec une certaine pudeur sensible.A ces côtés,Gary Farmer est lui aussi convaincant et attachant,cependant le duo ne parvient jamais totalement à briser une sorte de mur entre eux et nous.Et plus le film avance,plus on attend l'évènement déclencheur qui n'arrive jamais.Malgré ce goût amer,c'est bien du côté des acteurs secondaires que le bât blesse.
Ils semblent ne pas y croire à fond à moins que ca ne soit les personnages crées pour eux qui sont par trop caricaturaux.
Il est évident que le film se veut satyrique et pamphlétaire d'ou cet aspect souvent caricatural mais j'ai eu le sentiment que cette approche a desservi le propos au final et venait comme s'inscrire en faux par rapport au ton grave et rituel du voyage de William Blake.
Ainsi,les chasseurs de prime et le directeur ne m'ont pas totalement convaincus sans être mauvais pour autant.
L'oeuvre véhicule une critique claire et sans équivoque de la conquête de l'Ouest à travers de nombreuses séquences et personnages et pourtant c'est loin d'être un hymne anti capitaliste ou un portrait radical et passionné du génocide amérindien entre autres choses(la religion est aussi abordée...).Sur ce point là;il fait d'ailleurs très pâle figure par rapport aux précédents "Un homme nommé Cheval" qui est une immersion bien plus complète et intense dans la culture amérindienne,à "Les cheyennes" de John Ford concernant l'acharnement dont furent victimes les tribus du continent et n'approche jamais du souffle épique et de la vision crue et organique d' A.Penn avec "Little Big Man"ni de l'humanité de "Danse avec les loups".


Je pense que Jarmusch a peut être voulu couvrir trop de choses à la fois et selon moi aurait dû s'atteller encore davantage à dévelloper le personnage de William Blake.
Par exemple,les séquences abordant directement ces thèmes sont les plus bâclées et les plus maladroites à savoir celle ou les passagers du train se mettent à tirer sur les bisons,ce que le chauffeur du train se met à commenter de manière caustique,ou quand le guide amérindien de W.Blake lui parle des colons répandant des maladies chez les natifs via les fourrures et couvertures: ca tombe à plat et semble dénué d'émotions.Pour finir,la séquence ou l'ami du jeune comptable lui raconte son histoire est déja bien meilleure et contient plus d'émotions malheureusement c'est en parie gâché par l'inclusion de flash-backs assez ridicules qui viennent interrompre le cadre pourtant magnifique de cette forêt de bouleaux.


Malgré ces défauts et le côté "too much" de certaines scènes: je pense avant tout à cette histoire de cannibale qui baise ses parents ou à cette tête qui éclate comme une citrouille trop mûre sous la simple pression d'une botte,le film contient certaines séquences magistrales comme celle du chapeau ou celle de la confrontation entre William Blake et deux marshalls.
J'ai ressenti une certaine forme de vide par moments,peut être le spectre du nihilisme se terre t-il dans cette oeuvre sous couvert de néo-romantisme amérindien.D'ailleurs le film semble plus européen qu'américain,ce qui veut sans doute dire que le réalisateur a rempli du moins en partie sa mission.Néanmoins,l'un des aspects les plus évidents de cette pellicule est qu'elle peut être interpetée de plusieurs façons grâce à son symbolisme et sa narration laconique.Une théorie veut que William Blake serait mort dès le début du film et serait en fait au purgatoire,voire en enfer ou seulement dans les limbes et je précise que si tel est le cas,la photographie n'en devient que plus réussie tant l'image semble cauchemardesque et onirique.C'est le genre d'oeuvre qui peut prendre un sens nouveau au fil des visionnages ou des changements dans notre vie,ce qui est toujours précieux.(Note:je confirme: vu une deuxième fois débloque une nouvelle dimension).


Pour conclure,le film vaut la peine d'être vu rien que pour ces visuels si particuliers et envoûtants,pour ses riffs de guitare qui confirment son esthétique black metal et pour cette poésie si singulière:celle d'un jeune homme dépassé par les évènements à moins que ce ne soit simplement celle du poète renommé William Blake revenu pour tremper ses vers dans le sang de l'homme blanc?


Voulez vous connaître sa poésie?


"Every night and every Morn/
Some to Misery are born/
Some are born to sweet delights/
Some are born to endless nights"

Créée

le 21 févr. 2021

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