Le nom et la photo du réalisateur, s'il vous plaît !

Sans être un pur navet, ce Death Note à la sauce barbecue n’en reste pas moins une mauvaise adaptation qui gomme en grande partie ce qui faisait la spécificité et l’originalité du Manga d’origine. En expédiant à toute vitesse un scénario complexe et intelligent (qui méritait bien mieux que d’être péniblement compacté en une heure quarante de film), ce Death Note pour teenager s'avère finalement être un beau gâchis.

Pour commencer, je trouve l’avancement de l’intrigue trop rapide, notamment dans la première partie du film ce qui fait perdre de la crédibilité à l’histoire : Mia s’attache bien trop vite à Light et de façon peu subtile lorsqu’elle prend connaissance du Death note, elle semble fasciné dès le départ et possède un sens moral moins développé que Light sans que cela soit justifié par quoi que ce soit (passé difficile ou autre qui expliquerait qu’elle est une putain psychopathe fanatique dès le début du film). Cela aurait du mettre la puce à l’oreille de Light d’ailleurs, au vue de son intelligence présumé…

L’intrigue en règle générale n’est pas aussi prenante que dans le manga et les coups bas et autres astuces de Kira pour ne pas se faire chopper font pâle figure par rapport aux astuces brillantes qu’ils trouvent dans le manga. On a quand même droit à un mythique : « je vais m’appeler Kira comme ça ils me chercheront au japon ! » ...Sérieux mec ? C’est une idée de segpa ça, pas d’un premier de la classe ! Exit également toutes les astuces de Light pour dissimuler efficacement son cahier de vacance, voir qui entre ou sort de sa chambre etc. qu’on pouvait voir dans le manga. Les personnages sont trop peu développés en règle générale, à l’image de Mia, personnage fade dont on ne sait rien, trop peu en tout cas pour en faire un personnage auquel on s’attache.

La différence avec l’œuvre d’origine se fait donc ressentir dans le traitement psychologique et relationnel des personnages, ce qui ne serait pas un problème en soit si cela apportait quelque chose de plus que l’œuvre originel, ce qui n’est pratiquement jamais le cas. Je vais développer en commençant par le protagoniste principal:

Dans le film, Light est un garçon un peu à l’écart qui semble avoir peu de contacts avec les autres sauf lorsqu’il utilise ses talents mathématiques pour dealer des fausses interros. Il nourrit une profonde rancœur vis-à-vis de son père au sujet du meurtre impuni de sa mère et semble souvent se rebeller contre son autorité tout en possédant un caractère impulsif. Il est plus hésitant et moins calculateur que dans le manga et n’a cette froide intelligence dénuée de sentiments qui confère du charisme à son alter-ego de l’œuvre d’origine (qui agit dans un sentiment de toute puissance sans ressentir de remords, ou très peu au début). Le Light de Netflix est en quelque sorte un looser avec une vie peu reluisante qui a perdu sa mère et vit seul avec son père dans un HLM minable tandis que le Light made in Japan est un génie qui possède un cadre de vie aisé, à tout pour lui mais manipule sans scrupule son prochain (à commencer par ses parents). Le Light d’origine avait un côté insupportable qui faisait de lui un anti-héro parfait qu’on voulait voir crevé mais qui paraissait infaillible alors que dans le film, l’empathie est plus présente du fait qu’il est perdu sa mère ce qui rend le héros plus humain et donc, plus banal. J’ai vraiment tiqué dans le film au moment où light soupçonne Ryuk d’avoir tué les agents du FBI alors que c’est sa propre meuf qui émet l’idée en insistant bien dessus durant la scène de la roue, pas très futé pour un intello, ça décrédibilise vraiment l’intelligence présumé du personnage…

Ryuk, quand à lui, influence Light dès le début en l’incitant à tuer sa première victime. C’est selon moi une erreur car cela fait du personnage une sorte d’entité maléfique et sournoise qui tente Light au lieu de se contenter de lui expliquer les règles du Death note et de rester spectateur comme dans le manga. Le traitement est en effet plus développé et plus subtil dans l’œuvre original, ou l’auteur nous fait vite comprendre que le vrai monstre de l’histoire est Light et pas Ryuk, qui demeure un simple spectateur tentant de palier l’ennui de son éternelle existence et qui est lui-même étonné par l’intelligence et les plans machiavéliques de Light dès le début. Il est un dieu de la mort, pas un démon qui prend plaisir à tuer et n’a pas l’image négative qu’on rattache à la mort dans la culture catholique occidentale. Le fait qu’il adore les pommes car celle de son monde sont fades et sans goût est une indication du plaisir que prend ce personnage dans notre monde, ce n’est malheureusement pas développé dans le film. D’un point de vue esthétique, les images de synthèse laisse vraiment à désirer et le budget aurait pu être mieux employé à la modélisation de Ryuk plutôt que de tout mettre dans l’effondrement de la roue et les mises à morts juteuses à la «destination final »…

L dans le manga est quant à lui l’exemple même d’un surdoué un peu marginal qui agit de façon réfléchis et sait garder son sang-froid, à l’inverse de Light qui devient de plus en plus nerveux et cruel au fil des évènements. Dans le film, L perd son sang-froid très rapidement et à plusieurs reprises ce qui minimise son côté « machine à enquêter » qui lui conférait une certaine prestance dans le manga. L’interprétation de l’acteur est cependant intéressante (tiques nerveux, intelligence bien retranscrite) dans l’aspect plus torturé du personnage, j’admets que c’est une relecture qui n’est pas dénué d’intérêt. Je trouve que c’est le personnage le plus intéressant et charismatique du film.

Quand à Mia, Mia… On ne sait presque rien d’elle, de son cadre familial, de son passé, de ses envies etc. Quelque chose qui expliquerait par exemple qu’elle soit autant fanatisé et psychopathe dès le début du film (alors que dans le manga elle est déjà fan de Kira avant de connaître Light, ce qui explique mieux son dévouement envers lui). En vérité elle sert principalement de love interest à Light (qui perd vite ses moyens en présence de boobs contrairement au manga ou il demeure incorruptible et peu sentimental).

La toute fin est plutôt réussi, reste ouverte à interprétation et nous fait voir que Light était plus machiavélique et malin qu’on le pensait depuis le début. Cependant, il est curieux qu’il devienne subitement intelligent alors qu’il commet des erreurs aussi grossières en début du film (genre le coup des suicides du FBI fomenté par Ryuk). On dirait que les scénaristes se sont dit « ok on a un peu trop fait de Light un ado banal fan de Justin Bieber et de roman Twilight, on va tenter de le rendre plus badass et intelligent sur la fin !».

Pour conclure je dirais que malgré ses défauts et cette volonté toujours agaçante de sur-adapter la psychologie des personnages aux stéréotypes, à la culture ou à la moral occidentale, le film a le mérite de tenter des choses et de condenser l’intrigue de l’anime et du manga en un film. Je le prend plus comme un hommage à l’œuvre original que comme une œuvre qui apporte vraiment quelque chose de plus à un univers déjà bien établit. Une adaptation en série live aurait pu être beaucoup plus intéressante et aurait évité un scénario aussi vite expédié malgré les richesses des intrigues et des différents personnages que propose l’œuvre original. Une mauvaise adaptation, un film très bof. Il ne vous reste plus qu'à lire le manga ou courir voir l'anime !