Le résultat final de Décharnés est incompréhensible : il avait un potentiel certain en développant son univers profondément glauque et intéressant, avec son bestiaire organique et original pour son si maigre budget, mais il y a eu, à un moment donné de son processus de création, une sacrée anicroche qui a tout ruiné et l'a enfermé dans la case des séries z fauchées qui ratent autant ce qu'elles tentent que ce qu'elles peinent à produire un ressenti positif chez le spectateur.


On croirait à l'ouverture se trouver devant un mélange low coast de The Thing et d'un long-métrage de maison hantée, avec ses scientifiques presque tous insupportables et ses effets de tension peu réussis, dont l'échec incombe à ce manque flagrant de budget qu'on peut identifier dans pratiquement tous les plans de sa timide durée (ne parlons même pas des inserts 3D ou du costume du monstre principal, le plus travaillé mais sentant bon la récupération économe façon système D).


Un Système D qu'on retrouve dans de nombreux procédés de création de Décharnés, le plus flagrant restant ses effets clipesques hérités de la vulgarité visuelle du cinéma de genre des années 2000, propice et bien utile pour dissimuler derrière des accélérations de travelings, un montage syncopé et des plans très rapprochés à la lumière éblouissante le manque de finition de sa créature, et le caractère raté de son horreur qui respire le film essayant d'être effrayant sans savoir comment faire.


Il ne donnera jamais, ou peut-être une fois sur la fin, l'impression de maîtriser les ressorts horrifiques de base de toute oeuvre qui se prétend du genre de l'épouvante : parce qu'il essaie tout du long de dissimuler son faible budget par des effets tous plus visibles et agressifs les uns que les autres, il placarde constamment à la gueule de son spectateur la présence de l'équipe technique en charge du projet. Il paraît difficile de se sentir impliqué dans un film, d'accepter l'immersion quand il ne cesse de vous rabâcher, par les effets d'un réalisateur qui ne s'efface jamais derrière son histoire, que c'est justement un film.


Parce qu'il est conscient de ce qu'il est, et parce qu'il essaie à chaque seconde d'impressionner en s'affichant meilleur que ce qu'il n'est, Décharnés, comme beaucoup d'autres films du genre, patine et dérape dans la course de qui sera le plus fort et convaincra le plus le public. C'est bien dommage quand on voit les efforts laissés à l'écriture, qui si elle manque très certainement de talent pour bien caractériser ses personnages et livrer des dialogues sérieux et profonds, affiche un certain savoir-faire dans la construction de sa mythologie glauque aux influences diverses, mythologie crédible et marquante qui en aurait fait un très bon film s'il avait écopé de plus de budget et d'une équipe en charge plus compétente.


On a l'impression, à le suivre d'un oeil déçu, que Décharnés est tombé entre les mains de la mauvaise société de production et des mauvais artistes : il n'y a pas d'homogénéité dans les visuels, pas de cohérence non plus entre le banalité crasse des dialogues et la profondeur relative des thématiques abordées (le deuil, particulièrement parental, l'influence des grandes firmes avides d'argent sur le travail passionné de scientifiques adorables), souvent rendue superficielle par son manichéisme qui tâche.


Cette impression est confirmée par la dernière demi-heure, qui décide de virer à fond dans son délire en multipliant les effets horrifiques plus réussis qu'à l'accoutumée, sur fond de drame et course-poursuite dans les bois. Certes pas extrêmement convaincante non plus, sa conclusion a le mérite d'amener son intrigue à un point relativement abouti, loin de ce que son concept de base laissait présager mais tout de même moins mauvais que ce qu'on pouvait en attendre.


Si vous êtes sensible à ses personnages fonctions caricaturaux et que vous voulez voir une petite production au concept intéressant, Décharnés peut-être une pièce intéressante, à condition de s'attendre à ce que le visionnage débouche sur un résultat final relativement mauvais et qu'il n'aille pas au bout de ce qu'on pouvait en attendre.

FloBerne

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