Véritable paradigme du cinéma américain des années 70 Deliverance est l'un des premiers films d'un genre surexploité par la suite : le survival. Nous pourrions tout aussi bien dire que le chef d'oeuvre de John Boorman remonte à l'essence même du genre, qui est ni plus ni moins situé à mi-chemin entre l'épopée et le film d'horreur, rendant compte d'un environnement hostile au coeur duquel des personnages tentent d'échapper à la mort...


Magnifiquement mis en lumière par Vilmos Zsigmond ( l'un des directeurs de la photographie les plus émérites de la décennie, à qui l'on doit notamment le monument plastique constitué par Heaven's Gate quelques années plus tard ) Deliverance est donc une oeuvre pionnière et dérangeante, dépeignant une Nature peuplée d'autochtones visiblement consanguins et d'une rivière pour le moins capricieuse ; nos héros seront donc quatre citadins partis faire du canoé le temps d'un week-end, qui devront faire face à une bande de rednecks et aux tumultes de ladite rivière... Boorman prend le temps de présenter chaque personnage avec humour, sobriété et subtilité, imposant d'emblée une scène de duel musical devenu aujourd'hui emblématique et prenant le parti d'amener le danger et l'animosité rurale avec une certaine retenue : il en résulte un effet encore plus percutant et déstabilisant, trouvant son point d'orgue dans une scène d'humiliation particulièrement choquante. La fameuse séquence dans laquelle Ned Beatty se voit violenté moralement puis physiquement n'a rien de gratuite puisqu'elle nous amène ensuite à une scène soulevant un cas de conscience majeur, qui traversera toute la suite du métrage. Jusqu'à la hantise ultime.


Difficile de ne pas évoquer un autre chef d'oeuvre contemporain du film de Boorman : le terrible Straw Dogs de Sam Peckinpah, largement différent dans sa forme mais qui partage dans son discours des similitudes avec Deliverance. Nature décadente, violence morale amenant le plus pacifique des individus dans les retranchements de la haine et de la vengeance... Deliverance, film séminal d'une grande intelligente et formellement très maîtrisé, est un classique à voir et revoir encore. Excellent !

stebbins
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le 19 oct. 2015

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stebbins

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