Allant au cinéma dans le but de voir un film qui me détendrait, dans lequel je retrouvais un acteur que j'admire beaucoup et un réalisateur que je garde dans mon viseur depuis Dallas Buyers Club, je pensais ressortir heureux et prêt à faire autre chose, mais je n'imaginais pas que je serais tant émerveillé et secoué par ce que je venais de voir.


Je commencerai donc par l'histoire en elle-même, en tentant de ne rien spoiler mais en essayant de mettre au clair les conclusions que j'ai tiré de ce chef-d'oeuvre, qui me semblait assez simpliste au premier abord mais qui, finalement, s'avère être beaucoup plus profond que cela. Si vous ne souhaitez pas lire d'explication du film avant de le voir, car c'est un peu ce qu'est ma modeste critique, je vous conseille de vous arrêter là. Je crois donc que c'est un film qui nous demande de sourire à la vie et à ce qu'elle nous offre, déjà. Si on part du principe qu'elle ne sera pas excitante et qu'elle ne servira à rien, qu'elle est simplement là pour qu'on la vive, on ne fera pas attention aux petites choses qui nous entourent, et même les plus grosses. Et lorsque l'on a plus aucun élément auquel on ne peut plus prêter attention, la folie va commencer à nous suivre de près.


C'est le cas de Denis Mitchell (interprété par Jake Gyllenhaal, époustouflant), qui perd sa femme subitement dans un accident de voiture. Il avait décidé d'écouter sa femme seulement de temps en temps, mais lorsqu'elle n'est plus là, il n'a plus personne pour ne pas écouter ce qu'on a à lui dire. Il ne ressent aucune tristesse car c'est un poids qui lui est enlevé, il n'a plus à faire attention, à réfléchir à des compromis ou bien à accorder de l'importance à un problème qui n'est pas le sien. Mais paradoxalement, il se met à faire attention à chaque petite chose autour de lui car il n'a plus vraiment le choix, puisque personne ne lui demande rien. Trouvant anormal cette manière qu'il a de réagir à la mort de sa femme, il cherche à comprendre pourquoi son coeur ne fonctionne pas normalement et, en prêtant attention à chaque composant de chaque élément de son environnement, il va se mettre à chercher des réponses.


La première, il la trouvera dans la relation qu'il a avec sa nouvelle amie, qu'il n'embrasse jamais et qu'il ne désire pas. Elle intervient dans sa vie comme confidente, qu'elle ait un visage ou non, et cela ne lui importera que peu jusqu'à la fin du film. Elle fait office de phase de transition, pendant laquelle Denis cherche à comprendre ses sentiments, ses émotions et ses motivations, tout ce qui habite son coeur depuis de longues années. Existe-t-il une chose qu'il n'ait jamais voulu remporter plus que tout? Que signifie "aimer"?


Le film nous amène alors à une certaine réflexion sur l'amour, qui n'a jamais été traité de la sorte au cinéma je crois. Il est questionné dans tous les sens: homosexualité, amitié homme/femme, amour réciproque, adultère, existence du couple à travers les autres... Mais ceci est toujours fait avec légèreté, sans pousser la réflexion au bout. Le film nous donne des pistes, c'est à nous de les exploiter. Au-delà de ça, la critique du milieu social dans lequel évolue Denis et de la culture du rêve américain omniprésente chez les familles riches du pays qui est faite dans le film nous rappelle que la réflexion sur l'amour en société et sur les codes sociaux, sur la norme sociale, reste importante à mener malgré les conditions de vie.


Denis est écrasé par les poids, par celui de la société qui voudrait qu'il prenne des jours de repos après la mort de sa femme parce que c'est ce qui se fait, par sa famille et sa belle-famille, qui voudraient finalement le voir pleurer, par son environnement, qui ne lui propose plus rien. Et lorsqu'il trouve quelqu'un à qui se confier dans un train, il voit bien que ça ne marche pas, parce que son approche n'est pas normale. Cette femme, sa nouvelle amie (Naomi Watts, légèrement en-dessous de ce qu'on a pu la voir faire), va donc lui permettre de "démolir" toute cette pression qu'il a accumulée. Cela devient son nouvel objectif, démolir ses objets, sa vie passée, les codes qui le contraignent, et ça le soulage. Il le fait par la parole ou par la force. Enfin, il ressent quelque chose, enfin, ce qui est autour de lui le fait vivre, que ce soit en bien ou en mal (il sera tout aussi heureux de rencontrer des gens que de se planter un clou dans le pied).


En ayant tout détruit, il ressent ce qu'il a perdu, il comprend ce à côté de quoi il est passé pendant tant de temps, et il remarque ce qui se passe autour de lui. Mais ce n'est plus un simple écureuil qu'il remarque, il se rend compte des défauts de son couple, de ce qu'il n'a pas su dire, ce qu'il n'a pas su faire. C'est un homme blessé que dévoile ce film, et presque plus que la défunte, blessé de n'avoir rien su voir, du début à la fin. C'est quand il prend conscience des choses que la démolition peut s'arrêter, car à trop démolir, il risque de perdre encore plus. Le nombre d'évènements graves qui surviennent à la fin est presque improbable, mais c'est ce qui lui permet de comprendre, ce qui lui permet d'avancer encore un peu, et enfin de pleurer. Il va alors cesser de démolir pour reconstruire par-dessus, et ainsi prêter attention à ses émotions et à ses motivations, ce pourquoi il a réellement envie de vivre.


Ce film est donc un véritable parcours psychologique. Traité de manière légère et comique, puisque ce film est tout de même très drôle, il nous amène dans l'univers de Denis, qui paraît fou aux yeux de tout le monde, sauf à ceux du spectateur. Nous comprenons pourquoi il choisit telle ou telle proposition et exécute telle ou telle action (presque) chaque fois. De plus, le montage (répétitions d'éléments fréquents, comme l'écureuil, la chenille, le coquillage, sa femme...) nous laisse passer toutes les idées et nous demande de les prendre comme elles viennent pour les réfléchir ensuite dans le sens que l'on souhaite. Le parfait cadrage sur chaque plan permet encore plus aisément l'effet comique, renforcé par la technicité du réalisateur. La musique est elle aussi extrêmement bien maitrisée, et j'en passe. Cinématographiquement, ce film est déjà une perle rare. De plus, Jean-Marc Vallée ajoute un fond, une morale, une critique et une atmosphère à une oeuvre qui était déjà presque complète.


Je crois que ce film nous dit de faire attention à notre entourage et notre environnement, de s'exalter devant la beauté de ce qui nous est permis de faire, et surtout de réfléchir à tout ce qui nous entoure. La folie n'est pas loin de nous tous, mais on peut la surmonter quand on croit, quand on est aidé ou quand on est déterminé à réaliser des actions qui nous semblent en valoir la peine. Je pense que le message passe à merveille à travers ce film fabuleux, dont il y a d'autres choses encore à tirer que tout ce que j'ai écrit sur cette page, tant il est riche. Et pour finir, je pense aussi que c'est un message important quand on voit le monde qui part ainsi en couille, il faut se rappeler de ce qui nous semble important et prêter attention à ce qui nous est cher.

maxpemeja
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le 11 avr. 2016

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