Un veuf dont l’entourage essaie de marier deux de ses filles (lui a un peu l’air de s’en battre) cache à sa famille une relation avec une copine de jeunesse qu’il vient de retrouver. C’est un truisme de dire qu’il ne se passe pas grand chose dans un film d’Ozu, mais c’est particulièrement le cas dans celui-là. Quoi que. Le film a un mouvement du léger au grave : les affaires familiales bon enfant et les amours tus sont nuancées par des comportements plus rudes dictés par la nécessité (la copine retrouvée qui prétend qu’il est le père de sa fille, tu parles) puis la mort frappe et relativise tout ça. Il me semble que je n’ai jamais vu représentation du sentiment de mort plus franche, plus nue qu’ici, ne s'opposant pas à la vie mais participant du même mouvement. N’empêche, la scène du couple au bord de la rivière (d’ailleurs d’où sortent-ils ceux-là?) qui observe la fumée s’échapper de la cheminée du crématorium, entouré de corbeaux, surprend par sa noirceur, pour ne pas dire qu’elle glace les os, et on se dit qu'à cette époque, le père Ozu devait avoir tendance à considérer son verre de saké à moitié vide (il meurt en 1963). A part ça, je réalise en voyant Dernier Caprice combien son style est loin d’une certaine idée du réalisme : ces champs contre-champs désarmants, la caméra plantée bien en face des acteurs, ces plans sans perspective, ces inserts presque abstraits, cette sidérante harmonie de couleurs que la réalité serait bien en peine à produire, il n’y a ni expressionnisme, ni poésie, ni lyrisme, trop grossier tout ça, tout tend vers une forme neutre (utilise-t-il toujours la même focale?), vers les choses telles qu’elles sont, éphémères. (vu en 2020)

T3mptr3ss
9
Écrit par

Créée

le 29 déc. 2020

Critique lue 84 fois

1 j'aime

T3mptr3ss

Écrit par

Critique lue 84 fois

1

D'autres avis sur Dernier caprice

Dernier caprice
Aurea
8

La cheminée qui fume

Titre à la fois léger et mélancolique pour cet avant- dernier film de Ozu, précédant son oeuvre ultime, un an plus tard : Le Goût du Saké. On a pu parler d'un film quasi autobiographique, tant il est...

le 29 juil. 2011

45 j'aime

16

Dernier caprice
Docteur_Jivago
9

L'embrassement

Avant-dernière oeuvre d'Ozu, Dernier Caprice est d'apparence plus légère que celles que j'ai déjà eu l'occasion de visionner, ainsi que de ses plus réputées, mais uniquement d'apparence tant il se...

le 14 janv. 2017

24 j'aime

6

Dernier caprice
limma
9

Critique de Dernier caprice par limma

Avec son thème récurrent de la famille, Yasujirō Ozu nous raconte la vie et ses vicissitudes mais opte cette fois-ci pour la fuite en avant d'un homme qui sent la fin toute proche, quitte à délaisser...

le 5 janv. 2019

13 j'aime

9

Du même critique

Les Géants et les Jouets
T3mptr3ss
7

TV, radio, films, jeux, ils n’ont pas le temps pour penser

C’est la guerre du caramel dans le japon d’après guerre. Dans les départements publicité, c’est à qui aura la meilleure idée. En 1958 déjà, Masumura brosse le portrait d'une société japonaise...

le 27 nov. 2020

6 j'aime

La Rage du tigre
T3mptr3ss
9

Critique de La Rage du tigre par T3mptr3ss

La popularité de Lei Li, jeune éphèbe épéiste, s'accroît de jour en jour, à tel point que le vieillissant et fourbe Lung pourrait perdre la place privilégiée qu’il occupe dans la communauté. Il piège...

le 29 mars 2021

5 j'aime

Confessions d'une épouse
T3mptr3ss
10

La corde et le doute

La belle Ayako, son mari et son supposé amant font de l’alpinisme, ils décrochent, Ayako coupe la corde qui retient son mari et celui-ci s’écrase plus bas. Elle est accusée de meurtre. Masumura passe...

le 15 nov. 2020

4 j'aime