On va pas se mentir on aurait bien voulu dissocier le père du fils, éviter de faire le rapprochement, ne se baser que sur la réalisation sans pour autant ramener son réalisateur à son arbre généalogique ; mais le défaut du film semble faire échos au père.
Si la réalisation n'a pas le don de Cuarón père, on entrevoit trop les ficelles scénaristiques (qui m'avaient gêné dans Gravity), et on retrouve alors les deux Cuarón sur le même bord.
Difficile aussi de séparer l'autre référence de Desierto, tant dans son style que dans son hommage : Duel reste implacablement dans le coin de l’œil, ce qui n'est pas pour nous déplaire, même si on déplore cette mise à jour.

Au fond le film en tant que tel est pourtant bien mené, un désert, un chasseur et sa proie. On aurait pu se contenter de cela, au même titre que Duel, mais c'était sans compter sur une attente plus nouvelle, une sensation encore plus aiguisée de prise au piège que le spectateur attendait au détour d'un cactus.
Car Desierto ne sort absolument pas du sentier, le scénario se poursuit sans oser sortir du chemin, alternant les rebuffades comme simples étapes plutôt que comme faisant partie intégrale de l'histoire. Après le but n'était pas de sortir le film de son postulat de chasse à l'homme, mais au final il n'apporte ni son lot sociétal ni sa mise en scène, et c'est là que Desierto s'enlise. Au fond, il n'aurait pas été trop compliqué de nous faire ressentir la chaleur et la soif, outre la traque d'un psychopathe ; mais jamais le spectateur n'est appelé à ressentir les choses. Or Duel a ce don de nous instaurer tout entier dans la course, ressentant autant la joie de la réussite que la tension d'un camion dans le rétroviseur.
Jonas Cuarón fait le choix de la caractérisation de son personnage, sans plus le personnaliser que par sa haine du clandestin. La seule trouvaille valable étant le chien.
Gael García Bernal, seul mexicain connu du casting, a du coup le rôle qui lui colle à la peau, sans autre surprise on sait d'avance que c'est lui qu'on va suivre. Il aurait été plus judicieux de lancer un mexicain inconnu dans la bataille, juste histoire de moins prévoir l'abattage (no offense pour Gael).
Si Gravity avait cette aura spectaculaire nous faisant ressentir l'espace, le scénario avait tout de même quelques faiblesses ; Desierto ne déroge pas à la règle. Poussant des ficelles qui ne tiennent même pas l'attention du spectateur autant que celle du réalisateur :


Du genre je suis prévoyant avec tout le monde mais d'un coup pour ma survie je t'abandonne ; une minute plus tard, non je ne suis pas un salaud, je vais t'aider.


Enfin le film garde son objectif principal, nul besoin de faire évoluer le film pour ce qu'il n'est pas ; d'ailleurs le décor est à pic, et se suffit à lui seul comme jeu de cache-cache : aussi beau que prédateur. Mais au fond pas assez percutant pour que la mise en scène joue avec nous. La Colline a des Yeux avait de méchant ses attardés, tout autant monstrueux que bêtes ; Duel avait de diabolique son camion sans visage qui parvenait à nous plonger au cœur de la course ; Desierto se veut froid et distant au début pour finalement se tarir côté chasseur.
Le film reste donc sur ce qu'il est, une partie de chasse qui n'apporte pas plus à la lignée ; alors que par moment on est dedans, le reste du temps on espère voir une autre trajectoire.

LuluCiné
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le 17 avr. 2016

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