Une nuit dans l'enfer de la violence policière

Le 23 juillet 1967, des émeutes vont éclater dans la ville de Detroit. Elles vont durer cinq jours et causer le décès de 43 personnes. 50 ans plus tard, la réalisatrice Kathryn Bigelow se penche sur un des drames se déroulant pendant cette période. Une nuit dans l'annexe d'un hôtel, qui va tourner au cauchemar pour ses occupants.


Le film se découpe en trois parties. La première nous montre comment les émeutes ont commencé. Lors d'une soirée clandestine dans un quartier noir de Detroit. La police va embarquer les personnes participant à cette fête. Elle voulait le faire en toute discrétion, mais par un concours de circonstances, cela va se dérouler sous les yeux des habitants du quartier. Les esprits s'échauffent, la tension monte et une rixe explose. Elle va rapidement se transformer en une émeute. Des pillages, incendies et divers incidents ont lieu. C'est la chaos, la police est débordée et parmi eux, il y a Krauss (Will Poulter). Il circule dans les rues de la ville avec deux de ses collègues Demens (Jack Raynor) et Flynn (Ben O'Toole). Un homme noir va sortir d'une épicerie, les bras chargés. Ils vont le courser et Krauss va lui tirer dans le dos à deux reprises, alors qu'il a été formellement interdit de tirer sur les pilleurs. Rapidement, Krauss est accusé d'homicide volontaire, mais dans le chaos actuel, il sort libre du commissariat et va continuer d'exprimer son racisme et sa violence dans la ville.


Dans la seconde partie, on suit Larry (Algee Smith). C'est un membre du groupe soul The Dramatics. Ils doivent se produire au Fox Theatre devant les gens de la Motown, mais les émeutes s'intensifient et la salle doit être évacuée. Avec son ami Fred (Jacob Latimore), il va trouver refuge dans l'Algiers Motel. Ils vont y faire la connaissance de Julie (Hannah Murray) et Karen (Kaitlyn Dever), puis se retrouver avec les autres occupants de l'annexe. L'un d'eux va sortir un pistolet pour enfant et tirer sur la garde nationale. Un geste stupide qui va avoir des conséquences dramatiques. Le film se transforme en un huis-clos oppressant. La tension est palpable et le jeu de la mort va basculer dans l'horreur. On a l'impression de se retrouver dans La nuit des morts-vivants, tant on se sent mal à l'aise face à la violence des mots, regards et attitudes de ces policiers, abusant de leurs pouvoirs, en s'octroyant le droit de vie et de mort sur l'homme noir.


La troisième partie est celle du procès et de la destinée de Larry. Elle est bâclée et va nous laisser sur notre faim. Cela démontre aussi l'incapacité de la réalisatrice à s'intéresser à ses personnages, avec son style en mode rouleau compresseur. Son cinéma ne fait pas dans la dentelle. Il y a une absence de nuance qui m'a toujours dérangé. Ses films manquent d'âme et ressemble plus à des exercices de style. Elle maîtrise la forme, mais ne semble pas s'intéresser au fond. La réalisation caméra à l'épaule est utilisée à l'excès. En se voulant proche des protagonistes, elle finit par être épuisante à force de multiplier les gros plans sous divers angles sur leurs visages. Certes, c'est efficace, surtout dans la seconde partie, mais cela reste du cinéma primitif, totalement dénué de réflexion et d'émotion.


Dans ce film choral, un seul acteur parvient à sortir du lot. Will Poulter confirme tout son talent, grâce à sa capacité à jouer tout type de rôle dans des films aussi différent que Wild Bill, Les Miller, une famille en herbe, Labyrinthe, War Machine et plus récemment The Revenant. Le mal a toujours été fascinant. Il attire plus l'attention en marquant longuement les esprits, tel Dark Vador ou Hannibal Lecter. Le problème, c'est qu'il dévore aussi bien l'écran, que ses partenaires. John Boyega fait pâle figure à ses côtés dans un rôle d'oncle Sam, cherchant à protéger les siens, tout en restant en retrait et donc responsable de ne pas avoir agi. Algee Smith a un côté prétendant à The Voice qui me tape sur le système. Il est tellement lisse, qu'on ne s'attache pas à lui, alors que son ami Jacob Latimore était plus attachant. Hannah Murray s'en sort mieux, mais cela reste anecdotique, comme les présences d'Anthony MacKie et John Krasinski. Avec une telle galerie de personnages, on pouvait s'attendre à une psychologie plus développée, surtout avec une durée de 2h23.


Depuis 50 ans, la police continue d'assassiner en toute impunité. Les émeutes de Detroit n'étaient pas considérées comme raciale, du fait de la participation de personnes blanches lors des pillages. Mais force est de constater, que les personnes se faisant tuer, sont principalement des hommes noirs. L'histoire se répète, comme les manifestations, mais les policiers sortent toujours en toute liberté des tribunaux.


Le film tire toute sa force du huis-clos, un sommet de tension insoutenable. Mais la première et troisième partie ne sont là que pour justifier ce déchaînement de haine et de violence. Ce n'est pas un grand film, passant à côté de son sujet. Il n'est pas monumental, ni même un chef-d'oeuvre mais plutôt un film d'horreur, ancré dans une réalité faisant froid dans le dos.

easy2fly
7
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le 22 oct. 2017

Critique lue 199 fois

Laurent Doe

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