Deux tigres naissent dans la jungle mais sont condamnés à connaître un destin différent : capturé par un chasseur, Koumal deviendra une attraction de cirque, tandis que Sangha sera trouvé par le fils de l’administrateur, Raoul Normandin, et élevé avec lui. Les deux frères auront bien du mal pour se retrouver et retourner dans leur jungle…


Jean-Jacques Annaud a dû tomber amoureux des animaux, quelque part entre Le Nom de la Rose et L’Affaire Harry Québert. En tout cas, c’est son deuxième film qui porte officiellement sur un sujet animal. Comme je n’ai pas vu l’Ours, je ne peux juger de sa qualité, mais j’avais un temps été tentée par Le Dernier Loup à sa sortie en cinéma.
Annaud est un de ces réalisateurs français qui a toujours pu tourner à l’international, en témoignent ici son casting très riche et le fait que la version originale est anglaise. J’ai découvert cette histoire (enfin, le peu que j’arrivais à voir parce que, avec la politique anti-piratage de l’époque, c’était ce genre de dvd où le film buguait toujours, peu importe le nombre de fois où on le rapportait en caisse pour l’échanger) quand j’étais petite et j’étais tombée amoureuse de deux tigres.
Aujourd’hui, ayant une expérience cinématographique un peu plus poussée, je me décide à le revoir et à l’analyser. Comme dans mes souvenirs, nous sommes portés par cette histoire douce et magique, qui nous emmène au cœur de la forêt vietnamienne ? cambodgienne ? thaïlandaise ? laotienne ? dans le doute, et vu le contexte, on va dire indochinoise. La caméra adopte un point de vue documentaire qui marche moins quand il y a de l’action mais permet de véritablement entrer dans le cœur du film. Je ne sais pas avec quoi ils ont tourné mais le grain est étrangement impeccable : parfait pour rendre les poils des bêtes. Le hic ? on voit très rapidement la différence entre les found footage et cette caméra. Pareil pour les effets spéciaux, tout aussi rares que les found footage, ils ont le désavantage de faire mal incrustés ET d’avoir mal vieilli.
L’histoire aussi ne casse pas trois pattes à un canard et j’avoue que dans mes souvenirs, chaque scène durait plus longtemps ou était plus détaillée. Bon, néanmoins le boulot est fait.
Tourner avec les bêtes n’a pas dû être chose facile et on sent, parfois, qu’ils improvisent les plans. C’est compréhensible et j’apprécie l’effort car c’est aujourd’hui trop rare de voir un film faire appel à de VRAIS animaux (je suis désolée mais lorsqu’on en vient à faire un CHIEN par ordi parce qu’on a la flemme de tourner avec un vrai sur le plateau, moi, ça me met hors de moi) pour tourner ses scènes comme il l’entend.
Par compte, ce qui me fascine vraiment, c’est le montage qui correspond à la méthode Bazin : le théoricien du cinéma, André Bazin, avait expliqué que, pour que le cinéma fasse « vrai », il fallait généralement monter une action où les deux protagonistes devaient être présents dans le même cadre, à un moment ou un autre, pour qu’on y croit. Ainsi, une scène de Crin-Blanc, où un enfant essayait de dompter un cheval sauvage indomptable, n’avait jamais paru réel, notamment parce que le cheval et l’enfant n’étaient pas ensemble sur le même plan pendant l’action (pendant la tentative de capture). On voyait clairement les artifices pour éviter de ne pas blesser l’acteur et donc on « n’y croyait pas ».
Ainsi, Annaud a dû suivre la consigne de Bazin pour qu’on « y croit » et c’est assez drôle de voir les artifices pour contourner la règle, sans perdre en crédibilité. Il a, pour cela, deux solutions, quand ça devient trop dangereux : ou il truque légèrement (je ne pense pas qu’on s’est amusé à laisser un enfant à deux centimètres d’un tigre adulte pendant une journée de tournage), ou il sous-entend et sort du cadre. Pour la deuxième solution, ça permet de ne pas montrer la violence animale, voire de nous mettre dans la peau de l’animal blessé, pour nous créer de l’empathie. En même temps, ça aurait été compliqué d’expliquer à la SPA qu’ils avaient frappé une bête devant la caméra pour « faire plus vrai ». Ça permet aussi de ne pas être trop violent, ce qui est toujours important pour un film pour enfants. Enfin, sous-entendre certains éléments permet, à la fin, de créer des situations comiques bien vues.
Ce montage retranscrit ainsi le propos du réalisateur sur les animaux (la violence qui peut leur être faite, la nécessité de tuer certains prédateurs ou la bêtise de les mettre en captivité, ainsi que les nombreux clichés qui peuvent exister sur ces bêtes) et sur le pillage des trésors asiatiques, opéré durant la période colonialiste (les Bouddhas qui se voient ainsi décapités sous l’excuse de « ça fera joli en Europe »). Tout cela est fait sans jamais tomber dans le manichéisme : le chasseur, par exemple, bien qu’il comprenne la nécessité de se débarrasser des tigres, ne va les tuer que quand il n’a pas d’autres choix et non pour son propre plaisir. Bon, encore une fois, ça ne casse pas trois pattes à un canard mais ça reste marquant et important pour un enfant.
Certes, c’est un « petit » film dans la filmographie d’Annaud mais, pour moi, c’est un souvenir d’enfant qui a un potentiel cinématographique énorme et c’est toujours un plaisir de le revoir.

Créée

le 26 mai 2020

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