Le dernier film d’un cinéaste a toujours une saveur particulière. Si certains s’avèrent décevants, ratés, Deux filles au tapis me paraît être le film de fin de carrière parfait pour Aldrich.
En effet, au-delà des qualités cinématographiques qu’il arbore, son statut lui donne une dimension particulière, et peut se lire comme une synthèse de toute une œuvre, un dernier tour de piste émouvant, ou une métaphore touchante d’un parcours professionnel tumultueux.
Deux filles au tapis décrit le chemin semé d’obstacles d’un trio de loosers (un manager, superbe Peter Falk, et ses deux belles catcheuses, les California dolls). Sorte de road movie avançant par étapes, de ville en ville, à travers l’Amérique et sa crise économique de la fin des 70’s.
Malgré son postulat social et humain noir et déprimant, le cinéaste transforme son pessimisme habituel en un optimisme étonnant. Son cinéma, malgré toute la noirceur déployée, n’a jamais été dénué d’humanisme, mais ce film-là l’affiche de façon plus directe. Il ne filme pas trois corps qui se noient mais trois corps qui se débattent pour garder la tête hors de l’eau. Comme il l’a déjà fait par le passé, il utilise le sport de la même manière que la société du spectacle, pour construire un théâtre boursouflé de la réalité où tous les excès et les défauts sont volontairement forcés et toutes les bassesses humaines pointées : argent, tricherie, corruption, violence,…
Le film avance en faisant se succéder les scènes d’action sur le ring les et scènes du quotidien entre les trois personnages, alternant ainsi sans cesse brutalité et tendresse, avec des touches d’humour permanente, avec une mélancolie sourde, une douceur et un amour sincère pour le trio très touchant. La mise en scène du cinéaste évolue également, avec un peu de retard elle s’intègre au mouvement du Nouvel Hollywood, avec une liberté parfois cassavetienne mais tout ça vampirisé par l’arrivée des années 80.
Impossible de ne pas y voir le propre parcours du cinéaste, sa lutte permanente pour pouvoir pratiquer son art, de film en film, de ring en ring. Le personnage de Peter Falk ça pourrait être lui, accompagné de ses acteurs, face à la corruption du système, face aux producteurs castrateurs, profiteurs ou gourmands. Ce qui est beau c’est que le film est optimiste, qu’il se fini bien, avec un long combat final jouissif et libérateur, évitant le constat d’échec. Et donc, malgré tout ce qu’a traversé Aldrich, il ne retient qu’une chose, il faut lutter en permanence pour parvenir à gagner, à faire ce que l’on aime, et à réellement exister. Cette punchline facile, archétype du film de sport, se battre pour gagner, prend une densité toute autre ici. Très belle conclusion d’une œuvre passionnante.
Teklow13
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le 27 oct. 2014

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