Divine Carcasse
Divine Carcasse

Documentaire de Dominique Loreau (1998)

Une Peugeot au Bénin : de la carcasse au fétiche

Divine Carcasse pourrait en un sens se résumer à l'histoire d'une vieille Peugeot qui débarque dans un port du Bénin, passant de propriétaires en propriétaires, avant de finir désossée, découpée et ressoudée en une sculpture métallique à l'effigie d'une divinité locale vénérée. De Cotonou jusque dans une tribu isolée à laquelle on accède en pirogue après avoir traversé d'immenses marécages, on suit la transformation d'une voiture en une œuvre d'art, d'un objet archétype du consumérisme occidental à un fétiche révéré par une population béninoise lacustre. L'histoire d'une métamorphose peu commune, du prosaïsme le plus banal à une forme singulière de spiritualité.


La réalisatrice belge Dominique Loreau emprunte autant à Rouch qu'à Herzog en mélangeant fiction, documentaire et ethnographie. Minimaliste en dialogues, avec de nombreuses séquences dominées par le silence, on suit le fil rouge de cette voiture : d'abord véhicule d'un expatrié européen, elle passe entre les mains d'un cuisinier local qui l'utilise comme un taxi avant d'être abandonnée devant un garage (suite à de trop nombreuses pannes qui rythment un peu le film), où elle sera démembrée. C'est au terme de ce voyage que le (bien réel) artiste béninois Simonet Biokou utilisera des bandes de métal découpées directement dans les portières de la voiture pour en faire une sculpture à destination d'un groupe religieux vaguement indéterminé.


Il y a cette voiture transportée en camion jusqu'au centre d'une ville, qui tombera sans arrête en panne au milieu de nulle-part, dans les palmeraies, en dépit de la fierté de son propriétaire. Il y a une interprétation surprenante de la chanson de Christophe "Aline". Il y a l'épisode du taxi, avec une foule bigarrée sur la banquette arrière. Il y a des cours de français pour apprendre à faire du commerce, suivi de chants africains. Il y a des danses typiques très étranges en habits traditionnels. Il y a le lent dépeçage de la voiture en centaines de bouts de ferraille. Il y a le travail du sculpteur pour créer cette œuvre fort atypique. Il y a ce voyage sur une pirogue, lent, silencieux, à travers un marécage.


Et c'est hypnotisant.


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Morrinson
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le 25 janv. 2021

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