Il faut tout d'abord signaler que le film étant réalisé avec les pieds cette critique le sera également.


La première erreur que commet le film, et qui engendre toutes les autres, est celle du ton : Victor Frankenstein est en effet d'une prétention peu commune et affiche un premier degré déconcertant. La couleur est donnée dès la première scène : un ersatz d'Elephant Man, qui se conclue sur la réparation d'une fracture de la clavicule avec une montre à gousset (?) pas même tournée en dérision, indiquant le sérieux avec lequel le film se regarde (le film multiplie ce genre d'âneries et on peut voir des animations anatomiques en CGI qui seraient belles si elle n'étaient si ridicules).


Si on avait pris tous les éléments du film et qu'on les avait tournés au second degré, le réalisateur aurait enfanté d'un chef d'oeuvre, mais ce ne sera jamais le cas. Ce qu'on peut regretter d'un film aussi violent c'est également l'absence totale de gore qui aurait été vraiment drôle ; malheureusement le film devait conserver son petit classement PG-13 pour faire tourner le tiroir-caisse. Imaginez-vous ce que Tarantino aurait fait ? Eh bien oubliez tout, ce film sera une merde, mais attention ! une merde amusante : c'est du nanar de compétition, un blockbuster nanardesque (qui mérite haut la main la note que je lui ai attribue) et qui m'a fait rire aux éclats dans la salle de cinéma.


Déjà, il faut signaler que celui qui a torché - on ne peut pas appeler ça écrire - le scénario n'a certainement jamais ouvert de livres de médecine, de physique, une Bible et pire encore le roman original de Mary Shelley. Cette ignorance totale de ces différents domaines accouche d'une ribambelles d'incohérences, d'incongruités, de réflexions stupides et de calembredaines. Ainsi, la scène avec les yeux qui s'animent m'a fait mourir de rire, car, en tant qu'étudiant en médecine, une telle représentation ne saurait être qu'une caricature de film des années 20, ou bien la preuve définitive de l'amateurisme extrême des artisans du film. Ou bien lorsque Igor annonce qu'il faut deux cœurs : une stupidité pareille ça n'a pas de prix, surtout lorsque Frankenstein ajoute "tu es un génie" ! Et cette séquence finale totalement farfelue. Le film ne cesse d'emprunter ses constituants à d'autres auxquels il ne saurait rendre hommage, nouvelle confession de l'indigence du film, incapable de se créer une originalité.


Et bien que les costumes soient assez bien taillés, les accessoiristes sont complètement partis en vrille : on nous gratifie des anachronismes les plus gros. Une prothèse articulée en bois : vendue ! Un extincteur à la faculté de médecine de Londres : vendu ! (on le voit d'ailleurs dans une scène qui rappelle étrangement l'Irréversible de Gaspar Noé). Et lors de la scène de destruction finale, les hommes de main qui tombent sur le sol explosent comme s'ils semblaient lardés d'explosifs. Et vous ai-je dit à quel point j'ai ri lorsque le policier meurt électrocuté ?


Les dialogues sont terriblement nulles, ce qui donne un enchaînement de scènes parfaitement stéréotypées, prévisibles et sans intérêt, quasiment surréalistes. La voix-off est inutile dans les quelques moments où on l'entend et il est risible d'entendre prononcer des dialogues aussi mauvais d'une voix si convaincue (ayant vu la version française de ce nanar de luxe, je ne jugerai pas la voix des acteurs originaux), mais même sans cela, on pourra constater que James McAvoy a une certaine tendance à envoyer à son vis-à-vis de nombreux postillons, ce qui ne manque pas de me faire sourire. On pourra concéder qu'en présence d'une écriture des personnages aussi aléatoire, les acteurs aient adopté un surjeu assez grossier dans leurs expressions faciales. En effet, Victor Frankenstein est un personnage qui n'existe pas, il ne correspond à rien ; c'est un accumulation grotesque de segments de caractère mais qui ne forme pas une unité. Si le héros semble montrer un certain charisme dans la scène d'action inutile du début du film, il en est totalement dépourvu ensuite. De plus, comment croire qu'un homme si imbu de lui-même puisse hésiter en public ? Quant à Igor, il nous est présenté comme un génie de l'anatomie et de la chirurgie, mais une fois chez Frankenstein, on ne le verra plus jamais faire montre de ses talents. Et que fait Moriarty en officier de police ? en train d'effectuer les déductions les plus fallacieuses, comme un Sherlock Holmes de paille. Et cette romance à trois sous qui sort de nulle part. Tant d'inconstance c'est criminel !


Alors que reste-t-il à sauver de ce naufrage ? A vrai dire pas grand chose : si la CGI n'est pas si laide que le laissait le supposer la bande-annonce, que le montage est très convenu avec l'utilisation excessive et incongrue du ralenti, si la lumière est absolument artificielle et que la photographie est au haut plus point banale, c'est à la musique que j'ai envie d'attribuer un point car elle m'a paru, non seulement sincère, mais presque intéressante. Mais j'étais prévenu et je ne me plains pas.


Pour expliquer l'échec artistique de ce film, il faut le comparer à Crimson Peak, dont l'histoire se déroule sensiblement à la même époque. Tout deux sont profondément premier degré, tout deux sont excessifs. Mais ce qui les différencie c'est la rigueur avec laquelle ils traitent leur sujets, et lorsqu'on sent que tout y est logique cela s'appelle du baroque, et lorsqu'on voit Frankenstein c'est un amoncellement sans nom.


Et bon sang, cette fin ! Parce qu'ils ont tué le méchant et que le héros embrasse la fille, tout est bien qui finit bien ? Putain, ils ont tué le monstre et Frankenstein s'en sort indemne ! Jamais une adaptation du roman ne devrait se terminer comme ça ! Il y a de quoi s'arracher les cheveux !!!

Quentin_Pilette
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le 26 nov. 2015

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Quentin Pilette

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