Les bas-fond à ciel ouvert de Tokyo, Kurosawa revient à un sujet qu'il affectionne, ce que devient l'humain à l'aune du capitalisme aliénant.
Et qui plus est en couleurs, après une large œuvre noir et blanc, optant pour une stylisation théâtrale adaptée d'un récit de Yamamoto.
L'on suit au milieu de nulle part, ce tram famtôme se frayant un chemin parmi des gravats et détritus.
Tram que ne répare plus les mécanos, n'écoutant que son frêle conducteur, à la grâce d'un mime, aussi précis dans sa gestuelle, que ferme dans la scansion Dodes'kaden, autrement dit, tchou tchou, sous la risée des gamins que l'on devinera sans les voir dans cet implacable no man's land... Où ils demeureront invisibles...
Un bidonville de paumés, d'alcooliques, dégénérés, cinglés de tout type se débattant dans un quotidien que le cinéaste laisse voir derrière les portes des masures, chacun rivalisant dans le glauque, sous l'œil des commères affairées autour de leur incessante laveries de linge sale...
On est dans un pessimisme total, de cœur comme de raison, que rien ne rattrape, pas mëme le rêve sauf peut être celui de Dodes'kaden, le zinzin du train, qui assume son rêve d'enfant, sans se départir d'une douce folie.
Le père clochardisé et son fils aussi mature qu'il est petit, croupissant dans cette improbable deuche illustre le double échec, celui du père protecteur et performatif.
Et pour Kurosawa l'échec d'un monde en plein essor...
Cette œuvre datant de 70 qui n'a pas rencontré son public, à l'époque, est d'un réalisme brûlant. L'individualisme et la folie comme issue à l'impérialisme économique, presque 50 ans après, c'est hélas largement avéré.