Dolls, c’est un film devant lequel je suis passé de très nombreuses fois dans ma jeunesse durant mes errances en vidéoclub sans jamais avoir essayé de le louer. Pourtant, j’adorais déjà Stuart Gordon, ses Re-Animator, From Beyond et Fortress m’avaient énormément fait triper. Mais je trouvais cette jaquette ratée, dégueulasse, et je décidais à chaque fois de faire l’impasse. Puis avec la mort de Stuart Gordon en mars dernier, je me suis dit qu’il était peut-être temps de rattraper le retard que j’avais dans sa filmographie, à commencer par ce Dolls. Alors que vaut cette petite bobine horrifique produite par Brian Yuzna sous la houlette de Charles Band et sa célèbre boite de production Empire Pictures ? Et bien c’est une sympathique petite surprise et une chose est sûre, c’est que sa jaquette ne lui fait clairement pas honneur.


Au départ, Stuart Gordon a été envoyé en Italie afin de tourner From Beyond. Mais on lui a demandé d’y tourner un autre film en plus, à savoir Dolls, pour 2M$US. Gordon choisit de tourner ce dernier en premier car il nécessite un plus gros travail en post-production que From Beyond, mais très vite il y a un désaccord sur ce à quoi doit ressembler le film. Le scénariste Ed Naha a envie de rendre hommage avec Dolls aux films d’horreur d’antan. Charles Band de son côté avait envie de quelque chose de beaucoup plus gore (Re-Animator venait d’être un succès, ce qui explique peut-être cela). Stuart Gordon lui préférait que le film soit un conte pour adultes plus classique. Le résultat va être une sorte de fusion entre ces trois visions : une sorte de Toy’s Story avant l’heure, avec des jouets qui prennent vie, qui sont loyaux envers les enfants ou ceux qui ont un cœur d’enfant, mais qui deviennent un vrai danger pour les gens mauvais, cyniques ou nuisibles. En gros, nous sommes en face d’un conte pour adultes mais avec une morale propre aux contes pour enfants, le tout saupoudré d’humour noir façon Gremlins et ponctué de scène légèrement gores.
On y suit un couple, complètement pas assorti, avec une belle-mère imbuvable, une petite fille rêveuse, et un papa vampirisé par sa nouvelle femme, qui vont trouver refuge dans un manoir étrange lorsqu’un énorme orage éclate en embourbe leur voiture. Le manoir est tenu par un couple de personnes âgées très accueillantes mais qui semblent malgré tout pleines de secrets. Ils sont très vite rejoints par Ralph, ainsi que deux jeunes filles qu’il a prises en stop, à qui l’orage a également posé problème. Rapidement, il se passe des choses étranges dans cette maison pleine de poupées fabriquées par les propriétaires des lieux. En effet, ces dernières semblent prendre vie, et il se pourrait même qu’elles attaquent certains des occupants de la maison la nuit tombée. Sont-ils en train d’halluciner ou est-ce réellement ce qui est en train de se passer ? Un an avant le premier Chucky (1988) qui a rendu les poupées tueuses célèbres, Stuart Gordon va donc en mettre en scène non pas une, mais plein. Les poupées, ça a le don d’effrayer pas mal de monde, souvent justement à cause de Chucky, mais parfois juste parce qu’elles sont « creepy » comme le disent les ricains.


Gordon va poser cette ambiance un peu étrange dès le générique d’introduction. Très vite, on constate que Dolls a ce côté désuet du cinéma des années 80, avec des tenues vestimentaires improbables (le pyjama jaune et noir), les coupes de cheveux hideuses ou encore le maquillage à outrance façon Like a Virgin de Madonna. Le réalisateur va nous présenter toute une galerie de personnages bien antipathiques au point qu’on va être content de les voir décéder. Il va aller à fond dans le manichéisme en les opposant à d’autres qui vont soit représenter l’innocence, soit qui ont encore cette âme d’enfant en eux. Le film va d’ailleurs beaucoup jouer sur les oppositions. Celle des personnages donc, mais également celle de l’ancien et du moderne en ce qui concerne les jouets (et donc les poupées). Un peu comme on continue à le faire de nos jours avec le cinéma (le « c’était mieux avant » par exemple). On retrouvera également tout le long du film l’opposition de la lumière (les éclairs qui ne cessent d’éclairer à travers les fenêtres) et de l’ombre (tous les éclairages intérieurs sont très faibles). La mise en scène de Stuart Gordon est d’ailleurs souvent très astucieuse, et ce dernier va utiliser à merveille tout l’espace que lui offre ce manoir afin de pallier au maigre budget qui lui aura été alloué (à peine 2M$US). L’ambiance est des plus réussies, virant parfois au glauque mais toujours ponctué d’un humour noir savamment bien dosé. Les poupées sont animées soit en animatronics, soit en stop-motion. Mais même si les SFX ont vieilli, ils gardent malgré tout encore aujourd’hui un certain cachet, un certain charme. Nos poupées attaquent avec des mini couteaux, des mini haches, des ciseaux, des petites scies à métaux, mais au final Dolls reste assez léger en termes de gore. Ça ne tombe jamais dans le grand-guignolesque car le film veut rester léger, avec son surjeu des acteurs, ses petites musiques rigolotes et ses bruitages façon cartoon.


Dolls n’est certainement pas le meilleur film de Stuart Gordon, mais il n’en demeure pas moins des plus sympathiques. Ce conte de fées pour adultes possède ce charme inimitable des années 80 et devrait ravir tous les amateurs de bobines horrifiques de cette époque.


Critique complète avec images et anecdotes : ICI

cherycok
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le 11 sept. 2020

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