Très hypé par la bande annonce qui annonçait une comédie française sortant des sentiers battus, avec un humour noir, méchant, caustique, et même un côté gore et politiquement incorrect, Barbaque avait tout du film qui aurait pu me plaire. Je n’ai rien contre le cinéma français, bien au contraire, je m’intéresse toujours aux films français qui semblent sortir du lot et qui ne se contentent pas d’aligner un casting d’humoriste ou de vieux de la vieille (Christian Clavier pour n’en citer qu’un) et de faire une comédie facile aux gags éculés. D’autant plus que j’aime bien son réalisateur, Fabrice Eboué, qui m’avait bien fait marrer avec Case Départ et Co-Exister. Mais là, j’avoue que je reste bouche bée devant les nombreuses critiques ultra positives du film. Oui, ça change de Alad’2 et autres Mystère à Saint-Tropez ; oui, on n’a pas l’habitude de voir ça dans nos vertes contrées ; mais ça n’en fait pas un bon film pour autant. Barbaque n’est néanmoins pas un mauvais film, mais on reste dans quelque chose de très moyennasse…


Lorsqu’on s’intéresse un peu au cinéma nordique, on a très vite fait de remarquer que le principe de Barbaque, à savoir des gens qui vont tuer des gens pour en faire de la nourriture exquise que vont manger d’autres gens, est loin d’être nouveau. En effet, le film danois Les Bouchers Verts avec Mads Mikkelsen utilisait déjà cette idée en 2003. On peut remonter encore 10 ans en arrière pour se pencher sur le cas de The Untold Story, film hongkongais de 1993, dans lequel un psychopathe transformait des humains en buns pour les servir aux clients de son restaurant. Et en y réfléchissant, bien que s’éloignant un peu malgré tout du plot de départ, on pourrait même remonter à Soleil Vert (1973) où les personnes âgées, passé un certain âge, servaient de nourriture au reste de la population. Barbaque va donc jouer dans cette cour-là mais va axer son propos sur le ton de la comédie noire méchante, lorgnant vers le gore et même le trash, en essayant d’être corrosif juste comme il faut. Pour cela, Eboué va aussi bien s’attaquer à l’extrémisme vegan, auquel est confrontée notre époque, tout comme son inverse, à savoir la surproduction de viande où l’argent prime sur la qualité. Il en profite également pour égratigner la relation conflictuelle entre les petits commerces et les industriels ou le communautarisme alimentaire dans les boucheries. Mais le tout sur le ton de la comédie, car il est de bon ton de ne froisser personne et de ne surtout pas faire un film militant. Et c’est là le premier problème du film. A ne vouloir se mettre personne à dos, Barbaque se révèle au final beaucoup trop gentillet, jamais engagé pour un côté ou un autre, se vautrant dans tous les clichés possibles et imaginables pour se moquer gentiment. Gentillet, le film l’est également dans le gore. Alors qu’il aurait pu de temps à autre tomber dans le grand-guignolesque puisqu’il joue la carte de la comédie, Eboué semble tenir à ce que son film ne dépasse pas l’interdiction aux moins de 12 ans. Du coup, certes, on a le droit à des coups de fusils à bout portant ou quelques hachoirs plantés dans des têtes, mais ce n’est jamais graphique et le sang ne coule jamais réellement. Peut-être ai-je trop vu de films qui jouent la même carte (l’humour méchant qui fait mal) mais qui vont beaucoup plus loin, à l’instar des américains Chop (2011) et Cheap Trills (2013), ou encore du russe Why Don’t You Just Die (2018), mais Barbaque n’est jamais ni piquant, ni même réellement déjanté.


Les personnages sont un peu plus réussis. On prend un certain plaisir à voir ce couple à la dérive arriver à renouer des liens lorsqu’ils deviennent des sociopathes tueurs de vegans afin de renflouer les caisses de leur boucherie, elle-aussi à la dérive. Le duo Fabrice Eboué / Marina Foïs fonctionne bien, le premier réussit bien à incarner cet homme couard qui va devenir une machine à découper de l’humain, la deuxième avec son côté pince sans rire, à fond dans la manipulation de son mari. Mais ils pêchent par un jeu d’acteur souvent à côté de la plaque, et du coup les dialogues sont souvent très poussifs et sonnent faux. Il faut dire que le film, à trop vouloir se moquer des clichés (sur les vegans, sur les viandards, sur les riches, sur les communautés, …) tombe dans le piège d’accumuler lui-même les clichés. Barbaque, malgré sa courte durée finit rapidement par tourner en rond et être répétitif. Là où il aurait été peut-être plus judicieux de laisser aller leurs déboires crescendo, ici ils ont du mal à démarrer et, lorsqu’ils démarrent, ils restent sur la même ligne plate, et au final un peu fade. On change juste le type de personnage qui va se faire découper et le tour est joué. On a l’impression que Eboué a été rapidement à court d’idées et s’est juste contenté de refaire la même chose à intervalle régulier pour arriver à un final un peu trop abrupt pour réellement convaincre. Oui, Barbaque manque réellement de piquant, et l’irrévérence dont il tente de faire preuve n’est que poudre aux yeux pour servir en arrière-plan une comédie romantique d’un couple qui tente de se retrouver. Alors ne vous méprenez-pas, on ne passe pas un mauvais moment pour autant et Barbaque a malgré tout son lot de petits moments réussis et légèrement culottés. Mais j’osais espérer qu’il aille bien plus loin, qu’il pousse son propos à fond, qu’il prenne parti quitte à ne pas se faire que des amis, qu’il s’assume réellement en tant que tel. Bref, qu’il soit une vraie comédie noire, méchante et acide, chose qu’il n’est clairement pas entièrement et, de ce fait, il perd vraiment en intérêt.


Barbaque, c’est le genre de film qui rate de peu d’être un bon film, qui aurait pu même devenir un petit film culte au même titre qu’un Bernie. Mais au final, bien qu’on ne passe pas un mauvais moment, on est plus proche du pétard mouillé.


Critique originale avec images et anecdotes : DarkSideReviews.com

cherycok
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le 31 janv. 2022

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