Je ne vais pas mentir ou tenter de me faire passer pour plus futé que ce que je ne suis : la première fois que j'ai vu Donnie Darko, peu de temps après sa sortie, je n'ai strictement rien compris. Je n'avais rien compris mais j'avais été mystifié. Mystifié par l’interprétation torturée de Jake Gylenhaal, par Frank à chacune de ses apparitions, par l'ambiance sonore et musicale du film, par toutes ces choses que je ne comprenais pas mais dont je sentais qu'elles étaient réelles et profondes, et qu'il ne s'agissait pas uniquement d'un délire de réalisateur/scénariste pour se faire mousser. C'est d'ailleurs ce qui peut se produire quand on ne comprend pas un film : on le rejette et on le qualifie de prétentieux, parfois à raison, parfois à tort. Mais ici, l'opposé total s'était produit. J'avais été happé et il fallait que j'en sache plus.
A l'époque, les sources d'information et de discussion sur le cinéma sur Internet n'étaient pas aussi nombreuses, et le film était tellement complexe et ouvert à différents niveau d'interprétation que chaque avis d'un spectateur différent devait être pris à caution, car on avait vite fait de sombrer dans le n'importe quoi. J'ai donc pris mon mal en patience et finit par tomber sur la version commentée par Jake Gylenhaal et Richard Kelly. J'ai donc été en mesure de pouvoir apprécier sa profondeur et ce qu'il avait voulu exprimer, dans quel sens il avait voulu aller. Il n'est pas rare pour moi de vivre l'incompréhension d'un film comme un échec personnel, le plus souvent à tort, mais ici je n'ai pas été contrarié de recourir à cette explication de texte. Le film aborde des tonnes de sujets, mais les principaux (le voyage dans le temps, les univers parallèles, la religion) sont déjà extrêmement complexes pris séparément, bien que régulièrement interconnectés. J'en suis ressorti satisfait, et en aimant encore un peu plus ce film que lorsque je n'y avais rien compris. J'ai ensuite vu la Director's Cut, qui est le reflet des explications données par Richard Kelly dans son commentaire.
Il est d'ailleurs amusant de constater que dans ce commentaire, Kelly emploie l'expression, en expliquant un point-clé du film : "C'est mon interprétation". Il a écrit le film, il l'a réalisé, et il garde une certaine caution quand à ce qu'il a lui-même imaginé. C'est la preuve qu'il a construit quelque chose de massif, qui le dépasse même quelque part. Même après avoir vu ces trois versions différentes, je ne peux pas dire que tout est 100% clair, certaines scènes, répliques, continuent à m'échapper, mais c'est aussi ce qui fait en partie la beauté du film.
Donnie Darko est une expérience. Ça me fait penser à ce genre de rêve dont vous ne comprenez ni l'origine, ni les tenants, ni les aboutissants, duquel vous vous réveillez un peu sonné et retourné, et qui continue à vous hanter pendant longtemps. Le cast est aussi exceptionnel dans sa globalité, même si plusieurs d'entre eux se sont encore plus affirmés depuis.