Doubles vies s'inscrit dans le thème du double: deux fois deux vies parallèles mais surtout double film.
Le premier: verbeux (plus que film du verbe, comme Mankiewicz en était capable) aux dialogues ampoulés, sonnant faux et dont le rythme est trop intense pour paraître vraisemblable, garnis de réflexions modernes (c'est-à-dire à la mode, du moment) devenant vite redondantes à force de les entendre se répéter obsessivement (le e-book, la fin du livre, ...).
Les personnages y sont volontairement antipathiques (dès la 1ère scène, insupportable, véritable tir dans le pied d'Assayas), fats, méprisants, emmurés dans leur univers étriqué, leur classe sociale privilégiée et leur inébranlable individualité. Assayas n'ouvrira d'ailleurs aucune porte, ni dans le monde de ses personnages, ni dans sa mise en scène, cette dernière trouvant le lieu adéquat pour figurer le renfermement dans la succession des huit-clos (intérieurs et cafés-restaurants), souvent suffocants (y contribuant fortement la parole ne reprenant jamais souffle, tout comme la caméra, toujours facticement en mouvement avec les lassants et pauvres de sens champs-contrechamps), hormis la dernière scène tournée à Majorque, véritable respiration qui fait du bien.
L'autre film, plus plaisant, avec une certaine réflexion sur la fidélité, le couple, l'amour, ... se situe plus près de la comédie de mœurs. Grâce à cela, Assayas tient plus ou moins en haleine (quoique d'aucuns s'en contrefoutent) le spectateur qui veut connaître, comme dans le séries (renvoi intertextuel), la suite des événements (tromperies, etc).
Les personnages y sont plus touchants, plus humains, plus nobles aussi (surtout Valérie, la convaincante Nora Hamzawi, l'une des seules à tirer son épingle du jeu), eux aussi concernés par les vicissitudes de notre bas-monde mais réussissant avec brio et sans pathos à les dépasser.
Au final, il semble pertinent de se demander pourquoi Assayas opte pour nous peindre un univers si répulsif, sans vraiment lui adresser de critique frontale (le message ou plutôt son point de vue étant loin d'être clair) si ce n'est pour créer chez son spectateur un certain malaise ne desservant en fin de compte aucune finalité. Un coup d'épée dans l'eau.
5,5/10