J'ose la lapalissade mais le slasher s'est construit à l'origine sur la contradiction de motifs antithétiques et extrêmes. L'un des premiers du genre, le Halloween de Carpenter fonctionnait déjà là-dessus, opposant la figure de Michael Myers, incarnation du Mal, du Démon, à la figure virginale et rassurante de Laurie Strode, la petite soeur du tueur masqué. Déjà, il y avait cette espèce de malaise freudien vaguement incestueux avec le couteau, substitut phallique par excellence.

Douce nuit, sanglante nuit, s'inscrit dans la droite lignée du slasher carpenterien. En effet, le film renoue avec cette approche presque psychanalytique du Mal, à ceci près qu'il déploie une grammaire encore plus expressionniste que son prédécesseur, moins subtile évidemment mais peut-être plus efficace. Je m'explique mais le titre l'annonce déjà : l'idée est de confronter l'innocence de l'enfance à une violence brutale. A ce titre, la scène de meurtre des parents du jeune Billy est franchement brillante et dérangeante, notamment parce qu'elle fait intervenir un premier rapport à la sexualité et au viol (le tueur déguisé en Père Noël arrache le chemisier de la mère de Billy, dévoilant ses seins, avant de l'égorger). Et tout le film fonctionne donc sur l'impact du traumatisme et sur l'opposition brutale entre des figures ostensibles et attendues mais parfaitement antithétiques entre elles.

De fait, le film s'épuise dans cette construction où l'horreur nait, non pas de la construction d'une atmosphère, mais de ces contradictions baroques (l'orphelinat chrétien / le sexe, innocence de l'enfance / violence de la réalité, la jeunesse et la douceur de la soeur du pensionnat / la sévérité et la vieillesse de la mère supérieure, la récompense / la punition ...etc) et parfois franchement risibles. C'est une horreur expressionniste appuyée par une mise en scène et un découpage qui le sont tout autant (flashs répétés sur le couteau ensanglanté du tueur des parents de Billy, sur son costume de Père Noël, sur la violence des traitements qui sont réservées à Billy à l'orphelinat).

Bien sûr, tout cela est dérisoire et parfaitement exagéré et donne lieu à des situations franchement ridicules amplifiées par des défauts formels que l'on pardonne moins (et notamment l'endive qu'est l'acteur principal) mais il y a là une tentative de légitimation et de rationalisation des codes du slasher. Pourquoi Billy tue-t-il en costume de père Noël ? Parce qu'il était dans la même situation de spectateur enfant. Pourquoi tue-t-il les jeunes qui baisent ? Parce qu'il a vu la mère supérieure châtier des adolescents pour la même raison.
Evidemment que c'est binaire au possible et que ça n'explique rien. Evidemment. Mais il y a là une tentative intéressante qui mérite d'être soulignée et qui plus est, qui participe à ce caractère franchement expressionniste du film.

Et puis, dans les faits, quand on a un slasher aussi inventif dans ses mises à mort, et tout particulièrement brillant lors de certaines scènes, on ne boude pas son plaisir.
Nwazayte
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le 22 déc. 2013

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