44eme film de l’année, je décide de redécouvrir encore une fois, le chef d’œuvre de Sidney Lumet grâce à @fidjing. C'est époustouflant comme ce métrage a très bien vieilli et comment il est toujours actuel.
On suit l’histoire de douze jurés qui doivent décider du sort d'un jeune immigré, accusé de parricide et dont la sentence serait la peine de mort si les faits sont reconnus comme tels. Tous le croient coupable sauf un, qui a de sérieux doutes sur l'enquête.
Je le dis directement, c’est brillant.
A travers ce métrage en huis-clos montrant douze hommes déblatérer et décider du sort de la vie d’un autre, le réalisateur réussit l’exploit de montrer que le chemin de la vérité et de la justice est parsemé d’embuches semblant insurmontables s’il n’y a pas un minimum de raison mais aussi de conviction guidant les protagonistes.
Ces derniers, venant de divers horizons avec de différentes éducations ou intérêts, étant désarmés et désunies face à une situation complexe dont le dénouement est irrévocable.
En effet, alors que la situation semblait acquise d’avance avec un culpabilité a priori toute trouvée et l’ensemble des jurés bien décidés à en finir rapidement, une voix s’éleva pour interroger sur les circonstances de l'enquête et questionner les faits préétablis empêchant l’unanimité nécessaire pour rendre un verdict de justice.
Grâce à ce 8eme juré, ce n’est pas seulement l’accusé qui est jugé mais la société américaine dans tout son ensemble ainsi que les failles d’un système judiciaire défaillant confiant une lourde responsabilité de décider du sort de la vie d’une être humain à des personnes plus ou moins qualifiées, concernées ou bien attentionnées.
Ici, par le biais de ces douze hommes, chaque strate de la vie américaine est représentée avec son lot de personnalités uniques guidées par leurs propres histoires, mœurs, intérêts, préjugés, ambitions où s’entremêlent les intérêts personnels à l’objectif central à savoir décider de la culpabilité de quelqu’un sans aucun doute raisonnable ne puisse transparaître de ce jugement.
Véritable démonstration de l’inutilité de la peine de mort dans un système défaillant par la faiblesse, la paresse voire la bêtise aveugle des individus la composant, le réalisateur par le biais du juré numéro 8, -symbole de la raison questionnant sans cesse ce qu’il voit, entend ou comprend sans se laisser emporter par ses émotions mais en faisant fonctionner sa logique et sa raison-, s’emploie de façon méthodique à démonter une par une toutes les contre-vérités, zones d’ombre entourant ce genre de dossier montrant alors aux spectateurs à quoi se joue la vie d’un homme.
En cela, s’il suffit d’un homme, portant en lui un certain charisme, aura et conviction pour changer le destin d’une décision sans autre mesure que les faits alors cette décision dont l’issue est irrévocable ne sera jamais symbole de justice car aléatoire et par conséquent n’a pas lieu d’être.
Cet homme incarné par le saisissant Henry Fonda dont la carrière n’est plus à présenter délivre encore une fois une prestation magnétique captivant les foules tel un gourou en trance arrivant à transmettre son incessante conviction foudroyant au passage tous les maux de ses fidèles et en leur apportant lumière mais surtout ici humanité.
L’ensemble du casting n’est pas en reste que ce soit Lee J. Cobb, E.G. Marshall et autres tant ils arrivent à jouer avec justesse et mesure incarnant parfaitement leurs personnages ainsi que les sentiments et émotions les traversant qu’ils soient faits de colère, doute, mépris ou stupeur.
Cela est dû à des dialogues calés au millimètre permettant un ping-pong verbal où l’art de la rhétorique se dévoile tel un délice sonore enivrant.
Ces joutes verbales encadrant et structurant le récit -qui reste simple mais limpide grâce à des «checkpoints» idéalement amenés permettant de faire comprendre aux spectateurs où en sont les personnages- sont embellies grâce au travail de cadrage et montage des scènes de Lumet dont c’est pourtant le premier film en tant que réalisateur.
Ici, le réalisateur réussit à retranscrire ses étapes grâce au décorum planté et symbolisant l’évolution de la situation. La tension, les esprits qui s’échauffent, l’urgence et la pesanteur de la situation sont représentés à l’écran via la chaleur étouffante suivi de l’orage puis l’accalmie, le tout dans un endroit en vase clos telle une cocotte-minute puis en extérieur pour la conclusion.
La forme rejoignant le fond.
C’est au final un film nécessaire nous permettant de nous interroger sur notre propre moralité éthique et capacité de réfléchir par nous même mais il n’oublie pas pour autant de nous divertir ainsi que de nous tenir en haleine avec un récit qui file à une vitesse folle.
Je ne me suis pas ennuyé une seule seconde malgré mes nombreux visionnages de cette œuvre qui ne cesse de grimper dans mon esprit et qui ne cesse de sonner juste malgré ses 64 ans au compteur, le signe d’une œuvre intemporelle.
A découvrir ou redécouvrir avec délectation.