A l'image de Stanger than Paradises qui le précède ou, vingt-cinq ans après, Only lovers left alive, Down by law vient confirmer l'intérêt de Jarmusch pour l'ennui, le désœuvrement, suivi toujours du désir de fuir de ses personnages à la fois bizarres, à la marge et attachants.
Pour cela, il sacrifie toute invention romanesque qu'au fond il soupçonne (comme en littérature le nouveau roman «soupçonnait» - pour reprendre le titre de l'essai devenu célèbre de Nathalie Sarraute - le roman balzacien, ses longues descriptions et sa facilité dramatique) au profit d'un minimalisme narratif. Ainsi, il s'arrête, contemple, joue avec le temps immobile qui semble ne pas vouloir passer, comme empêtré dans la marécageuse mangrove de Louisiane.
De cette manière, son œil de cinéaste, aidé ici par la collaboration fondamentale de son directeur de photographie Rob Müller (qui a collaboré avec Wenders dans entre autres Paris, Texas ou Jusqu'au bout du monde, Lars Von Trier dans Breaking the Waves, ou bien sûr Jarmusch dans Ghost Dog ou l'excellent Mystery Train) et de son assistante encore inconnue Claire Denis, prend le temps de regarder, de cadrer, de définir l'espace. En effet, Down by law excelle surtout dans sa mise en scène, extrêmement soignée, parvenant avec brio à filmer le mouvement de la ville (au moyen de travellings latéraux en voiture) ou, plus lent, de la mangrove (travelling avant en barque) mais aussi le repos des corps (prise en plongée et contre-plongée dans la cellule de prison ou les chambres, focalisation sur les arrière-plans/premiers plans, ... ), le tout très bien servi par le magnifique noir et blanc.
Enfin, mention spéciale pour Benigni qui vient apporter une touche de fraîcheur, d’exotisme (il y a toujours un personnage décalé, perdu chez Jarmusch) et d'humour.
Un très bon film, d'un cinéaste qui nous est très cher, et qu'on ne peut que recommander.
7,5/10.