Jim Jarmusch n’a pas son pareil pour mettre en scène des anti-héros, parias d’une société malade. Down by Law est l’un de ses plus belles réalisations. Ayant débuté sa carrière comme assistant de Wim Wenders, Jarmusch se distingue rapidement avec son Stranger Than Paradise qui remporta la Caméra d’or à Cannes. Trois ans plus tard, le cinéma de Jarmusch semble déjà être à l’apogée de son talent avec son Down by Law.


Dans les rues de la Nouvelle-Orléans, un proxénète du nom de Jack, un DJ dénommé Zack et un italien un peu perdu, Bob. Arrêté l’un après l’autre, les trois énergumènes se retrouvent à partager la même cellule. Bob découvre un moyen de s’échapper et les trois prisonniers prennent la poudre d’escampette.


Pas d’évasion rocambolesque comme dans Les Démons de la liberté, ni de longue préparation comme dans Le Trou. Dépouillé de ces parties, le film se concentre sur la fuite des trois compères, poursuivis par les autorités. La photographie en noir et blanc est magnifique. La Louisiane dévoile ses paysages hostiles, que ce soit avec ces bayous impénétrables, la Nouvelle-Orléans et ses faubourgs déserts ou encore cette cellule aux murs décrépis et au confort spartiate. Un décor parfait pour sublimer l’errance des protagonistes.


Les personnages sont attachants. John Lurie, qui interprète Jack est magistral avec son regard froid, son attitude blasée et sa démarchage de petite frappe. Ses allures de dandy, que Jarmusch excelle à porter à l’écran, confère au personnage un charisme très intéressant. Roberto Benigni, Bob, est ici dans un rôle qui lui sied à merveille, celui du gentil bouffon, attendrissant, parlant pour trois et qui déborde d’une énergie folle. Il devient le catalyseur de la bande après que Jack et Zack se soient pris d’affection pour cet extravagant personnage. Tom Waits joue un Zack déglingué, miné par l’alcool, usé par la vie à force de nager à contre-courant. Le passage où il rendosse sa parure de DJ pour le plaisir de Zack dans leur minuscule cellule est phénoménal. Avec sa voix rocailleuse et enivrante, un flow maitrisé, il y a une certaine magie dans cette scène où une compréhension tacite entre les deux hommes se créer à ce moment. Cette compréhension va au-delà du jeu d’acteur. Les deux hommes restent avant tout des musiciens. Lurie est d’ailleurs en charge de la musique pour Down by Law et il incorpora des morceaux de Waits.


En tout cas, le boute-en-train Bob a trouvé la recette magique pour lancer une révolution (au passage ça m’étonne que Ben & Jerry's ou Häagen-Dazs ne l’aient pas repris à leur compte).



I scream, you scream, we all scream for ice cream
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Un film à consommer sans modération.

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le 30 sept. 2016

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Vincent Ruozzi

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