Vider un film est un exercice assez complexe qui peut permettre de se concentrer sur l'essentiel, d'apporter plus de poids à ce qui reste.
Ici Nicolas Winding Refn a enlevé au héros son passé, et ne lui a laissé que quelques bribes de dialogues qui semblent forcées tant le personnage est dans un mutisme quasi permanent. Un anti-héros mystérieux mais sans doute un peu trop. Les longs silence ont du sens, c'est vrai, mais qu'il est difficile de s'intéresser à ce chauffeur au fur et à mesure que le film se déroule. Antisocial mais parfois souriant, sociopathe mais doux, ténébreux mais creux. Je n'ai rien à redire sur le jeu de Ryan Gosling qui est idéal pour ce rôle qui manque de profondeur. On retiendra cependant l'excellent jeu autour des gants en cuir, un simple instrument qui sonne une violence terrible en un craquement.
Concernant la violence justement, elle est soudaine, très dure, jamais dissimulée à l'exception de la scène finale qui contraste justement sur ce point. Des baffes envoyées au spectateur au sein d'un rythme très lent. Pour autant, elle en devient presque gratuite. Pas de travail visuel à ce sujet, juste de la violence.
Ce qui est d'autant plus surprenant car le travail visuel est justement particulièrement abouti. Une caméra parfaite, des plans inspirés pour chaque scène. Celles en voiture sont remarquables sur ce point, dont la scène d'introduction qui reste de loin la meilleure. On ressent une véritable fluidité tout au long du film, et ce n'est pas la bande-son qui viendra ternir ce tableau. Des musiques électroniques qui s'intègrent idéalement à l'ambiance voulue par le réalisateur, ce Los Angeles qui semble tout droit sorti des années 80, le soleil et les couleurs éclatantes en journées, la faible lumière des lampadaires la nuit. Aucun reproche à faire sur l'esthétique, c'est du grand art.
Néanmoins ce sentiment de vide persiste. Le scénario ne viendra pas l'enlever, étant très classique voir simpliste, et les personnages secondaires tous assez creux malgré de bonnes prestations des acteurs.
Vider le fond pour soigner la forme est l'impression d'ensemble qui subsiste à la fin du visionnage. La forme est sublime mais ne suffit pas pour laisser en tête la sensation d'avoir vu un grand film.