Deux maitres réalisateurs de la comédie musicale se sont partagé pendant de longues années les fruits d’un genre cinématographique qui célébrait la légèreté et la joie de vivre. À Vincente Minnelli le légendaire Un Américain À Paris et à Stanley Donen le non moins légendaire Chantons Sous La Pluie. Au milieu de ces deux joyaux, nombre de perles pointent le bout de leur frimousse, ici celle d’Audrey Hepburn, magnifique et fascinante dans un rôle de petite bibliothécaire espiègle et philosophe.

Jo Stockton est une charmante petite bibliothécaire amoureuse des belles lettres philosophiques, qui voit débarquer dans sa librairie la troupe d’un journal de mode bien en vue et qui s’installe sans autorisation pour faire des photos sensées « intellectualiser » leur mannequin fétiche. Dick Avery, le photographe, tombe instantanément sous le charme de cette bibliothécaire, beauté qui s’ignore et dont il décide de faire la nouvelle égérie du magasine. S’en suivra un périple mouvementé et plein de charme dans un Paris fantasmé dont la séquence d’ouverture ressemble beaucoup (trop ?) à une visite guidée des principaux monuments parisiens, à la seule destination du public U.S.

Contrairement à d’autres classiques du genre, il y a peu ou pas de numéros musicaux devenus mémorables dans ce film, mais une belle unité tout de même de chorégraphies pleines de charmes et alternant pourtant les danses de couples, les duos et même un petit peu de danse contemporaine dans le sous-sol vouté et enfumé d’un bistrot parisien. On reste dans le ton habituel des comédies musicales de l’époque faites d’histoires d’amour pleines d’humour et de candeur, mais qui n’ont jamais la prétention d’aller au-delà. C’est frais et léger et pour peu qu’on aime les jolies histoires d’amour qui finissent bien, on verra apparaître le mot « fin » avec une tête de ravi de la crèche. C’est que le charme opère pour qui ose se laisser distancer par les problèmes d’une vie quotidienne qui paraît bien morne et grise à côté de la légèreté de cette histoire.

Fred Astaire, qui n’était pas si bel homme finalement mais plein de charme en revanche, promène sa classe comme à la parade et impressionne par la précision de ses pas et l’adresse de ses pirouettes. Il est charmeur, flegmatique et fait du cabotinage un art à part entière. Si Donen et Minelli étaient les maîtres de la comédie musicale, Fred Astaire et Gene Kelly étaient les papes des pas de claquettes. Mais Fred n’aurait rien été ici sans Audrey, lumineuse, sublime et subjuguante de beauté féminine simple et pourtant hors normes. Sa beauté, lorsqu’elle devient mannequin, coupe le souffle au sens propre et rend fou d’amour tandis qu’elle vous renverse d’émotion, en larmes sur un quai de la gare de Lyon. Ce que transmettait cette actrice est presque impossible à écrire tant on est dans l’intime sensation et dans le sentiment abstrait. Elle était la femme absolue, à la fois l’amante à laquelle on désire faire l’amour avec passion, l’amoureuse qui fait de ses bras votre refuge le plus sûr et l’amie qui fait de son épaule secourable la confidente de toutes vos douleurs. Elle est ici la grâce incarnée, même en bibliothécaire habillée d’une toile de jute elle parvient à émouvoir, là est l’explication des gros plans sur son visage que Stanley Donen multiplie avec un plaisir non diissimulé. Son expérience de danseuse apparaît comme une évidence, elle transpire de grâce et de technique, brille lors d’un solo et étonne un faisant des pirouettes sur le gazon. Elle est dans ce film un fantasme, féminine tout autant qu’intelligente et parfois militante, elle bouleverse les codes de la femme fatale hollywoodienne qui n’était jusque-là que pur objet de désir sexuel en ajoutant l’amour au désir…

On dit lors d’un silence prolongé qu’un ange passe, nul doute qu’Audrey Hepburn est à l’origine de cette expression, heureux ceux qui ont pu croiser sa vie car rarement la beauté intérieure d’une personne se sera aussi parfaitement traduite à travers la beauté de son visage. Cette actrice avait le don de traduire les émotions par des détails petits mais tellement intenses qu’eux seuls suffisaient à fasciner. C’est cette drôle de frimousse dont il est question dans le titre, pas qu’on se moque de son visage, mais Audrey Hepburn avait cette façon unique de vous regarder, de vous sourire et de laisser transparaître son intelligence émotionnelle qui faisait que le charme opérait immédiatement. Elle et Fred Astaire incarnent se charme avec magie, c’est vrai que d’autres acteurs ont eu et ont du charme, mais jamais de la même manière et avec autant d’intensité qu’Audrey Hepburn. Elle n’était ni pulpeuse ni voluptueuse, pas la femme la plus « sexy » de sont temps à la manière de certains magasines à la moralité hideuse aujourd’hui. Elle était belle, simplement belle et nous sommes pour toujours amoureux…
Jambalaya
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le 6 nov. 2013

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