Produit par David O. Selznick, celui-ci voulait faire de Duel au soleil une ode à sa compagne d'alors, Jennifer Jones. Et il faut dire qu'il a bien fait, car elle y est magnifique, mais j'y reviendrai.
Pour parler du film, c'est la lutte entre deux frères pour conquérir le cœur d'une jeune femme aux origines indiennes. Mais celle-ci est davantage attirée par le plus rebelle des deux, Lewt, joué par Gregory Peck.
A l'évidence, le modèle affiché de Duel au soleil était Autant en emporte le vent, dans l'ampleur qu'il voulait avoir, une vedette en affiche (ici, Jennifer Jones, auréolée de son Oscar pour Le chant de Bernadette), la majesté des décors en extérieurs, mais aussi dans son gigantisme avec son budget record, et ses coulisses pour le moins particulières. A savoir un tournage qui s'est considérablement rallongé à cause des frictions entre Sleznick et le réalisateur King Vidor, qui a conduit au licenciement de ce dernier avant la fin du tournage et son remplacement par William Dieterle (bien qu'il ne soit pas crédité).
Il en résulte un très beau film, sur la force des sentiments, où Jennifer Jones et Gregory Peck sont comme deux aimants qui ne peuvent s'empêcher de se repousser malgré leur attirance. Mais il y a toujours un grain de sable, entre le mariage soudain de l'une par caprice, et le désir de liberté de l'autre... ça ne peut pas coller. Jusqu'à cette dernière scène, absolument formidable dans sa scénographie, qui ressemble à une tombe à ciel ouvert, pour un final qui tutoie le sublime.
Dans ces moments, les deux acteurs sont très justes, Jennifer Jones a l’incandescence très pure, et Peck la droiture qui cache une grande violence.
Il y a aussi un travail impressionnant sur la photo, qui donne l'impression que même le ciel semble lui déchiré entre ces deux amants.
Malgré cela, et le grand plaisir que j'ai eu à voir Duel au soleil, je regrette tout de même que l'aspect ampleur, épopée, à laquelle on aurait pu s'attendre soit quelque peu escamotée (à cause du tournage ?), car on a l'impression que ça ne dure que quelques mois. C'est vraiment dans les derniers moments que l'émotion est là, et qu'il manque réellement ce que je voyais dans Autant en emporte le vent : le souffle épique.
Mais il n'empêche que c'est un Western qui a fait date, ne serait-ce que dans l'écrin donné à Jennifer Jones, et aussi par la réalisation de King Vidor qui donne de la majesté à ces décors, sans compter l'histoire qui est au fond belle et tragique.