On ne saurait regarder Dunkerque comme on regarde d’autres films du genre. Peut-être parce que ce genre-là n’est pas très fréquent.


Dunkerque est un pur film de réalisateur. Même si Mark Rylance, notamment, est comme toujours très bon, Nolan, de manière très intelligente, s’attache à ne volontairement pas développer ses personnages, pour ne pas nous conter une histoire singulière, mais pour nous conter la guerre. Dans la guerre, l’individu n’existe plus. Parti pris d’autant plus intéressant que les seules relations développées sont celles des personnages qui viennent d’Angleterre, ceux que la guerre n’a pas encore atteints.


Aucune histoire singulière, mais toutes les histoires imbriquées : la mer à la rescousse de la terre. L’air comme protecteur de la mer. A son tour, la mer, espoir de survie de l’air. Tour à tour, l’homme, dans tout ce qu’il a de beau. Dans tout ce qu’il a d’héroïque. Dans tout ce qu’il a d’égoïste. L’homme qui hiérarchise les vies humaines. La mort qui ne connait aucune hiérarchie.


Dunkerque ne s’appuie pas non plus sur un scénario innovant. Rien n’y est surprenant, et pourtant tout y est haletant. Dunkerque est une expérience. Nolan filme l’attente. Il filme l’angoisse, il filme la peur, il filme le soulagement, il filme la mort, il filme la chance. Il filme enfin, surtout, le caractère majeur de la guerre : l’aléatoire. Trois lieux, tous étrangers les uns aux autres, tous différents, et pourtant tous liés par la patte du réalisateur. Trois périodes de temps, comme autant de moments où Nolan joue avec nous, qui, l’espace d’1h45, avons perdu la notion du temps. On ne sait plus à quel moment on est, on se moque de qui l’on suit.


La réalisation de Nolan efface ici tout le reste. Nous l’avons dit, pas de performance d’acteur. On a loué la musique d’Hans Zimmer, elle m’est passée complètement à travers, comme s’il n’y avait pas de bande originale. Je n’en avais cure, puisque ce qui importe dans Dunkerque, c’est le ressenti. A la photographie, Hoyte van Hoytema, également, se trouve moins inspiré que sur Interstellar. Le contexte s’y prête sans doute moins, le sujet requiert d’être plus en retrait.


Dans un registre différent du reste de l’œuvre de Christopher Nolan, Dunkerque, pour s’apprécier, se vit, plus qu’il ne se regarde. Le réalisateur a fait un pari, qui lui permet de mettre à profit toute la plénitude de son talent derrière la caméra, mais sans transcender les autres aspects du film. Un pari, qui, malgré tout, s’avère réussi.

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le 30 juil. 2017

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