Andrei Zviaguinstsev ne s’en est pas caché : le scénario de son troisième film, Elena, a été écrit pour répondre à une commande ; celle d’un film sur l’apocalypse. Un thème que le réalisateur russe a su parfaitement adapter à son cinéma, en filmant une apocalypse intérieure, « l’effondrement d’une âme », selon ses propres mots.
Elena, mariée depuis deux ans au riche Vladimir, vit comme une domestique. Elle cherche à aider son fils, père de deux enfants alors qu’il ne semble pas capable de gérer sa propre vie, en proie à des difficultés financières. Bonne et pieuse, elle ira prier pour son mari lorsque celui-ci fera un arrêt cardiaque pendant une séance de sport. L’âme d’Elena s’effondrera quand elle apprendra que son mari souhaite léguer toute sa fortune à sa fille, la poussant à commettre l’irréparable. La famille, à tout prix. Un sacrifice qui interroge quand on voit la vie menée par le fils d’Elena le petit fils pour lequel elle s’est démenée. Le jeu en valait-il la chandelle ?
Plus accessible que Le Retour ou Faute d’Amour, Elena n’en reste pas moins une œuvre aboutie. Zviaguintsev livre ici une vision pessimiste de nos sociétés. L’argent, nerf de la guerre, devient source de péché, et peut faire basculer une âme. Les symboles de cet apocalypse intérieur sont nombreux et souvent justes. Le long plan séquence aboutissant sur le visage d’Elena dans les flammes est sublime. Le train dans lequel elle avance qui redémarre après avoir renversé un cheval blanc et son cavalier, représentation du cavalier de l’apocalypse considéré selon certaines interprétations comme Jésus, symbolise le recul de la religion lorsque l’argent s’en mêle. Cette vision est très personnelle au réalisateur mais offre un ensemble particulièrement intéressant à regarder et analyser.