David Lynch est un réalisateur qui ne fait pas des films anodins.
Dès son deuxième film, après Eraserhead, sous une apparence des plus classiques par rapport à d'autres de ses films porte déjà l'empreinte de sa marque de fabrique et se révèle bien plus lynchien qu'il n'y parait. On y trouve déjà son regard sombre et halluciné sur l'humain et l'immense soin porté à la bande son accompagnant ses images.
Elephant Man ne fait pas exception.
En adaptant un roman inspiré d'une histoire vraie, il se questionne (lui et son spectateur) sur la nature de l'humanité.
John Merrick n'est qu'un animal de foire, un objet de curiosité exposé au regard des gens contre menue monnaie.
Quand le chirurgien Treves se rend dans cette fête foraine pour voir cette attraction animé par une curiosité ambiguë, il se persuade de sa bienveillance alors qu'il le "libère" pour des raisons pas si désintéressées que ça.


Le rôle des personnages masculins est d'ailleurs néfaste au personnage de Merrick ( son propriétaire, le gardien et dans une mesure plus discutable du chirurgien) alors que les femmes lui sont plus bénéfiques. L'infirmière, l'épouse du médecin et la comédiennes sont plus intègres et les sentiments qu'elles éprouvent envers Merrick sont plus honnêtes.
Même si Treves a la révélation de l'intelligence du monstre, sa sensibilité et sa profondeur sont découvertes par elles.
Lui comprend que ce n'est pas une bête difforme à l'encéphalogramme plat, qu'il pense, elles révèlent son sens artistique et ses souffrances. Trèves n'a pas d'intérêt lucratif en exposant Merrick à l'étude scientifique mais il en fait unobjet d'étude d"un autre sorte. Il en fait finalement un être reclus dans une cellule plus confortable que celle offerte par Bytes au départ et nie son identité propre de manière plus incidieuse.
"Suis bon ou mauvais ?" se demande-t-il malgré son évidente bienveillance.
Son rôle de chirurgien le pousse à rechercher le prestige et ne sauve l'homme-éléphant que pour l'étudier. Il n'imagine pas une seconde le considérer comme un ëtre humain et s'attend à trouver en lui un idiot congénital. c'est un cas d'école, ni plus ni moins.
Merrick acquiert le statut de sujet à proprement parler lors de son admission à l'hôpital pour être soigné. Il acquiert ce statut en même temps que son identité propre. Il a un nom et un prénom.


A son retour du théâtre, son geste montre son abdication devant l'incompréhension des hommes face à sa différence. Les affronts qu'il a subis sont imprégnés dans sa chair de manière indélébile.
La conscience de LA différence est chez Merrick marquée par le gratitude qu'il éprouve envers ceux qui malgré ses difformités le traitent ou font en sorte qu'il soit traité en humain.


Ce qui importe c'est de comprendre que le regard des autres définit celui que l'on porte sur soi-même.
Merrick s'affirme humain quand il ressent la sincère affection de l'infirmière.
Une vraie leçon d'humanité et de cinéma.

Rawi
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le 5 mai 2015

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