Après un "Eraserhead" très expérimental, David Lynch est embauché pour adapter l'histoire vraie de John Merrick. Un Anglais né difforme au 19ème siècle, et connu sous le nom de "Elephant Man". D'abord exposé comme une bête de foire, il sera étudié et aidé par un médecin humaniste.


Malgré ce que suggèrent les premières minutes, "The Elephant Man" est un drame classique... du moins comparé au reste de la filmographie de Lynch ! Il n'en demeure pas moins excellent, prouvant que le réalisateur ne brille pas que dans les films psychédéliques. Le film aborde bien sûr le sujet de la tolérance et du droit à la différence, ou comment un être d'apparence hideuse et terrifiante peut conquérir son public... et même l'intégrer !


Mais le génie de l'ensemble est qu'au-delà de l'histoire tragique de ce protagoniste (qui évite par ailleurs le pathos gratuit), c'est le regard et le comportement des autres qui seront au cœur du film. Cruauté, curiosité malsaine, profit, amusement, peur, répulsion, compassion, amitié sincère ou intéressée : c'est toute une panoplie d'émotion humaine qu'exprimeront les acteurs, à travers une mise en scène intense. En premier lieu, face à un John Hurt touchant et totalement méconnaissable, on suivra un médecin joué avec classe et subtilité par Anthony Hopkins. Il verra en Merrick d'abord un intérêt personnel et un sujet de médecine original, pour développer un attachement, voire une amitié, dont il doutera lui-même.


Le tout est superbement réalisé, ce qui est par ailleurs ironique pour un film qui traite de la laideur psychologique et physique de l'Homme ! La photographie en noir & blanc de Freddie Francis est absolument magnifique, exploitant à merveille la crasse des rues de Londres, mais aussi les intérieurs de l'hôpital. Les séquences les plus inquiétantes sont particulièrement réussies, ce qui n'est pas étonnant vue la carrière horrifique de Francis chez la Hammer. Quant à lui, Lynch joue avec ce passé victorien, et exploite en particulier les composantes mécaniques et industrielles de l'hôpital, lui donnant un aspect organique qui évoque "Eraserhead".


Touchant, émouvant, superbe, ultra maîtrisé, "The Elephant Man" est donc un classique à voir. Pour l'anecdote, il s'agit aussi de l'un des films produit par Mel Brooks, maître de la parodie américaine à l'époque, qui refusa d'être crédité pour éviter de laisser entendre qu'il s'agissait d'une comédie !

Redzing
10

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le 5 août 2020

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