Belle réussite et le film le plus drôle de l'année (mais qui réussit car il n'est pas "que" drôle). Ce qu'il y a de formidable, outre son humour, c'est son originalité, le film ne ressemblant à aucun autre - on peut penser parfois aux débuts de Donzelli, mais il y a moins de pathos, c'est plus réussi -, et le ton si particulier avec lequel jouent les acteurs. Il y a le duo qui est excellent (je ne connaissais pas le type, je le sais populaire, et il est en effet excellent, maitrisant un large registre comique), mais tous les acteurs secondaires semblent - je suis sûr qu'ils le sont - des vrais gens pris dans leur jus, et leur jeu si brut, original, vient enrichir le film. J'adore aussi l'outrance de ce gros ventre, cet ENORME ventre, qui est la seule apparition surréelle du film mais qui lui donne un sens supplémentaire, et le fait basculer dans un autre registre, ou plutôt qui élargit son champ d'action. Enfin, j'adore surtout comment le film bascule. Tout le comique du film vient du fait que l'homme gère la vie de sa femme, une grande pianiste autiste qui ne s'occupe de rien d'autre que de son piano et de ses concerts. Il est son mari, mais aussi son agent, son meilleur ami, sa nounou... Et c'est lui qui lui fait un enfant dans le dos et qui semble ensuite porter l'enfant à sa place - il prend 20kg, va aux cours d'accouchement, connais les infirmières et les patientes par leur prénom, etc. Il ne laisse aucune place à sa femme. Certes, elle ne veut pas de cette place, mais de toute façon elle n'a pas la possibilité de prendre cette place car il ne lui en laisse pas la possibilité. Et ce qu'il y a de formidable, c'est, lorsque l'enfant arrive, d'assister à la façon dont cette femme reprend sa place. Sa place de mère bien sûr, puisque la mère c'est elle et elle seule, même si son mari pense le contraire, mais plus largement sa place de femme, sa place d'être humain. Elle existe enfin. Et, lorsque lors de la belle scène finale, elle joue enfin en public et avec orchestre ce magnifique "Concerto en Sol" de Maurice Ravel, et qu'elle s'assoit sur son tabouret de concert, seulement deux jours après avoir accouché. Elle a enfin trouvé sa place. Elle existe face au monde. Et le regard final de son enfant de deux jours lorsque, depuis la maternité, il entend jouer sa mère, est à la fois le plus beau contrechamp et le plus beau regard caméra vu depuis des années.

FrankyFockers
7
Écrit par

Créée

le 6 janv. 2021

Critique lue 193 fois

FrankyFockers

Écrit par

Critique lue 193 fois

D'autres avis sur Énorme

Énorme
Moizi
8

Bon film, mode d'emploi

J'aime beaucoup le cinéma de Sophie Letourneur et ce qui est bien avec elle c'est que tous les deux ou trois films elle change totalement de style et se réinvente. Ici elle aborde donc la comédie...

le 10 janv. 2021

33 j'aime

8

Énorme
B_sti_no
2

Énorme déception

Comme j'adore Marina Foïs et Jonathan Cohen, j'étais très heureux d'aller voir ce film en me disant que j'allais bien me marrer ! Seulement le film n'est pas très drôle et le sujet abordé est assez...

le 3 sept. 2020

31 j'aime

12

Énorme
QuentinBombarde
7

La Femme en Sainte

Énorme c'est également la place qu'occupe Jonathan Cohen en cette rentrée particulière. Présent cet été dans Terrible Jungle, et à l'affiche d'une série Netflix et Canal +, l'acteur est omniprésent,...

le 4 sept. 2020

18 j'aime

1

Du même critique

Forever Changes
FrankyFockers
10

Critique de Forever Changes par FrankyFockers

La carrière de Love n'aura duré que de 1965 à 1970. Un bien court moment, mais qui marquera à jamais l'histoire de la musique rock et qui fera du groupe le plus grand représentant du psychédélisme...

le 24 avr. 2012

67 j'aime

10

Body Double
FrankyFockers
10

Critique de Body Double par FrankyFockers

Pourquoi ce film est-il si important dans l'histoire du cinéma moderne ? Voici une question qui mérite d'être analysée, comme il convient aussi de s'arrêter quelque peu sur le cas Brian de Palma, le...

le 23 avr. 2012

59 j'aime

4

Le Charme discret de la bourgeoisie
FrankyFockers
10

Critique de Le Charme discret de la bourgeoisie par FrankyFockers

Sorti sur les écrans en 1972, Le Charme discret de la bourgeoisie se situe en plein milieu de la période française de Bunuel, sa dernière et aussi l'une de ses plus intéressantes. L'âge n'a jamais...

le 23 janv. 2012

43 j'aime

1