Belle réussite et le film le plus drôle de l'année (mais qui réussit car il n'est pas "que" drôle). Ce qu'il y a de formidable, outre son humour, c'est son originalité, le film ne ressemblant à aucun autre - on peut penser parfois aux débuts de Donzelli, mais il y a moins de pathos, c'est plus réussi -, et le ton si particulier avec lequel jouent les acteurs. Il y a le duo qui est excellent (je ne connaissais pas le type, je le sais populaire, et il est en effet excellent, maitrisant un large registre comique), mais tous les acteurs secondaires semblent - je suis sûr qu'ils le sont - des vrais gens pris dans leur jus, et leur jeu si brut, original, vient enrichir le film. J'adore aussi l'outrance de ce gros ventre, cet ENORME ventre, qui est la seule apparition surréelle du film mais qui lui donne un sens supplémentaire, et le fait basculer dans un autre registre, ou plutôt qui élargit son champ d'action. Enfin, j'adore surtout comment le film bascule. Tout le comique du film vient du fait que l'homme gère la vie de sa femme, une grande pianiste autiste qui ne s'occupe de rien d'autre que de son piano et de ses concerts. Il est son mari, mais aussi son agent, son meilleur ami, sa nounou... Et c'est lui qui lui fait un enfant dans le dos et qui semble ensuite porter l'enfant à sa place - il prend 20kg, va aux cours d'accouchement, connais les infirmières et les patientes par leur prénom, etc. Il ne laisse aucune place à sa femme. Certes, elle ne veut pas de cette place, mais de toute façon elle n'a pas la possibilité de prendre cette place car il ne lui en laisse pas la possibilité. Et ce qu'il y a de formidable, c'est, lorsque l'enfant arrive, d'assister à la façon dont cette femme reprend sa place. Sa place de mère bien sûr, puisque la mère c'est elle et elle seule, même si son mari pense le contraire, mais plus largement sa place de femme, sa place d'être humain. Elle existe enfin. Et, lorsque lors de la belle scène finale, elle joue enfin en public et avec orchestre ce magnifique "Concerto en Sol" de Maurice Ravel, et qu'elle s'assoit sur son tabouret de concert, seulement deux jours après avoir accouché. Elle a enfin trouvé sa place. Elle existe face au monde. Et le regard final de son enfant de deux jours lorsque, depuis la maternité, il entend jouer sa mère, est à la fois le plus beau contrechamp et le plus beau regard caméra vu depuis des années.