Dans "Entre onze heures et minuit", deux particularités forment les deux faces d'une même pièce, le bon et le mauvais, l'idée assez bonne et plutôt originale qui se trouve malheureusement contrebalancée par sa relative invraisemblance. Tout part d'une enquête de l'inspecteur interprété par Louis Jouvet (au visage anguleux toujours aussi figé et inquiétant), dans laquelle il tombe nez à nez avec un cadavre qui lui ressemble comme deux gouttes d'eau. De fil en aiguille, d'un imbroglio l'autre, il se retrouvera dans la peau de feu Vidauban, le malfrat étrangement ressuscité, pour détricoter l'affaire de l'intérieur. On est dans le cinéma des années 40 et c'est assez novateur comme configuration, très clairement.
En revanche on peut regretter le peu de considération que Decoin a apporté à la construction de son intrigue basée sur l'apparition d'un doppelgänger que trop de personnages semblent accepter très facilement. L'inspecteur devient du jour au lendemain le chef d'une bande de malfaiteurs comme s'il y avait toujours été, comme s'il était capable de connaître l'élocution, les habitudes, les accointances et tout le reste de ce fameux Vidauban : c'est un ticket d'entrée un peu trop cher à accepter pour rentrer dans le sujet. Heureusement le film est parsemé d'autres particularités qui en font tout le charme, à commencer par ce défilé de mode dont les costumes sont baptisés à partir de romans célèbres.
Un semi-film noir qui nous embarque dans un récit largement tortueux, certes un peu mécanique dans ses changements de cap constants, avec toujours les bons indices qui arrivent au bon moment, mais qui reste à mes yeux un archétype intéressant du policier des 40s françaises, lorgnant du côté des 30s.