Critique : EPIC : LA BATAILLE DU ROYAUME SECRET (par Cineshow.fr)

Changement d’univers pour Chris Wedge, le créateur de l’âge de glace. Après les multiples (mais néanmoins réussies) aventures de Syd et ses copains pendant l’ère glaciaire, place à Epic, nouveau film d’animation des Blu Sky Studios, au croisement entre Arthur et les Minimoys, 1001 pattes et même par certains aspects Avatar. Le réalisateur que l’on avait pas vu à la direction depuis Robots en 2005 a donc fait le choix d’adapter le roman pour enfants The Leaf Men and the Brave Good Bugs de William Joyce (l’auteur des Cinq Légendes entre autre), une oeuvre qui voit une adolescente découvrir un monde miniature vivant dans les hautes herbes de la forêt à proximité de la maison de son père avec qui elle tente de renouer les liens. Le livre de Joyce, sous couvert d’un discours aux portées écologiques relativement simples mais fondamentales, était un matériaux propice à Wedge pour en tirer une grande fresque prenante, impressionnante et distillant plusieurs niveaux de lectures à mettre en perspective de notre condition d’Homme. Un minimum d’autant que le personnage de Mary-Katherine (l’adolescente) fait directement écho à la fille de l’auteur, décédée voilée 3 ans.

Il était donc essentiel que Epic lui rende hommage en ne trahissant aucunement l’essence de ce qui faisait la qualité du livre. Seulement voilà, même si le long-métrage calque sa trame narrative sur l’ouvrage édité en 1996, il le vide sans trop faire de tri de sa substantifique moelle pour le faire rentrer au forceps dans un moule extrêmement convenu et calibré, multipliant les vannes bas de gamme au détriment du développement de cette grande aventure. Un véritable soucis quand l’on sait que le film appelle déjà à un grand nombre de références, piochant entre les films évoqués plus haut mais aussi Princesse Mononoke ou encore Arrietty, le petit monde des chapardeurs, et que l’on aurait bien apprécié qu’il sache aussi développer sa propre identité.

Si l’on regarde les récents films d’animation et les cartons associés, il est assez simple de dresser un portrait-robot du film faisant se déplacer les spectateurs en salles. Il faut soit beaucoup d’humour (la carte Dreamworks souvent, et même Blu Sky Studios avec Rio), soit jouer sur la carte de la nostalgie habile (ce qu’a souvent fait Pixar) soit être sur une œuvre totalement inédite (encore une fois Pixar avec Wall-E pour ne citer que lui). Problème, Epic ne se range dans aucune de ces “catégories” puisque le film s’apparente à une œuvre totalement lisse, très orientée pour les plus jeunes et surtout désamorçant toute prise de risque sur le plan narratif en se contentant de livrer une oeuvre d’une linéarité regrettable. L’histoire de Mary-Katherine envoyée dans ce royaume miniature menacé n’est jamais plus étayée que cela, et n’apportera absolument rien de plus que ce que nous avons déjà vu dans les films dont elle trouve son inspiration. Connu d’avance, ce mini-voyage initiatique se voit traiter comme une aparté humoristique dans la vie de la jeune fille, absolument pas révélateur de la teneur du propos du livre d’origine qui contenait en son sein une portée bien plus évocatrice, totalement passée à la trappe lors du passage sur grand écran.

Chaque bonne idée est donc sacrifiée ou peu développée, permettant une avancée rapide de l’histoire mais ne générant aucune empathie, pour la simple et bonne raison qu’Epic se résume à un plat réchauffé plutôt qu’un nouveau film d’animation pourtant adapté d’une matière relativement riche. Un regret d’autant plus fort que sur le plan visuel, ce nouveau film est un régal pour les yeux, une prouesse visuelle et technologique rappelant que l’usage la 3D peut faire des miracles lorsqu’elle se trouve gérée avec talent. La direction artistique d’Epic est remarquable, tant dans l’animation générale que dans le rendu de l’ensembles des éléments, permettant quelques séquences somptueuses dès lors que l’on se retrouve à taille d’insecte. Pour ne rien gâcher, Chris Wedge arrive à sublimer la plupart des scènes “d’action” en proposant une réalisation à la fois inspirée, et tirant profit de la totale liberté de mouvement et de l’absence de contrainte physique pour faire évoluer sa caméra. L’idée de jouer sur deux vitesses de mouvement entre les deux mondes est une excellente idée (peut-être la meilleure du film) et permet à plusieurs passages d’être passionnants, même si l’appel du pied régulier d’un humour pas fin tend à utiliser ces séquences à des fins moins glorieuses.

En dépit d’une forme d’excellente facture, le film de Chris Wedge n’arrive jamais à transcender son histoire, se cantonnant à laisser en surface tous les propos qui auraient pu se voir développer. Le scénario ressemble furieusement à un brouillon qui n’aurait pas été retravaillé tant les bonnes idées sont nombreuses mais aussitôt oubliées. La relation de l’adolescente à son père geek enfonce des portes ouvertes hallucinante et synthétise tous les clichés du genre, tandis que le traumatisme lié à la perte de sa mère est évoqué l’espace d’un passage puis plus jamais utilisé, alors qu’il constituait lui aussi un terreau intéressant pour donner un peu d’épaisseur à ce personnage. Extrêmement naïve et éculée, cette aventure n’émeu pas vraiment mais surtout ne passionne guère, s’engouffrant dans une romance un peu bête au lieu de donner du coffre à l’ensemble.

Pourtant, ce regard de néophyte face à ce monde dont elle ignorait tout occupe une très large partie de l’histoire, occultant même un point essentiel du récit, l’importance des méchants cherchant ici à tout faire moisir et ainsi prendre le contrôle du royaume. Présentés à de rares occasions, ils restent une menace omniprésente mais sans que celle-ci ne demeure véritablement inquiétante pour faire contrepoids. Résultat, quand arrivent leur rares scènes d’attaques, elles se contemplent d’un œil pas vraiment impliqué ni même inquiet pour les héros dont le sort semble se terminer systématiquement bien et sans trop de difficulté. Ce côté très premier degré finira par exaspérer les moins jeunes de la salle, qui devront trouver comme réconfort les sempiternels sidekicks inhérents à tout film d’animation ou dessin animé. Matérialisés ici sous forme d’un escargot et d’une limace, ils délivrent leur lot de blagues potaches (mais parfois drôles) rappelant une nouvelle fois de quel coté le curseur du film fut mis.

Uniquement à destination des plus petits, Epic n’arrive malheureusement à convaincre un public plus large en se cantonnant à du vu et revu sans aspérité, sans la moindre prise de risque, et surtout la moindre idée propre. Particulière soigné visuellement, le film de Chris Wedge est un vrai régal pour les yeux mais souffre d’un script tellement écrit à la va-vite et oubliant tellement l’essence du livre d’origine que l’on ne peut qu’être déçu devant cette production qui fait donc suite à quatre bons épisodes de l’Âge de Glace et à plus récemment Rio. On en attendait plus…
mcrucq
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le 14 mai 2013

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Mathieu  CRUCQ

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