L’animation à l’américaine se surpasse autant qu’elle se répète. Paradoxal me direz-vous, mais c’est pourtant ce qui ressort de la projection de nouvel opus des studios Blue Sky, les créateurs de l’Âge de Glace. Epic : La Bataille du Royaume Secret, dont l’originalité du nom en dit déjà long, est ainsi l’archétype d’une branche du cinéma américain qui tente de cacher un essoufflement scénaristique par une débâcle d’innovation visuelle. Il suffit de se pencher sur les dernières années dans l’animation pour se rendre compte que les perles ne sont plus américaines : Ernest et Célestine (France, 2012), Les Enfants Loups (Japon, 2012) et L’Illusionniste (France, 2010). Nous pouvons être chauvins de l’excellence de l’animation française qui séduit même la terre de Walt Disney puisque ce sont les studios Mac Guff qui ont dessiné Moi, Moche et Méchant. Seuls des réalisateurs confirmés hors de l’animation parviennent à échapper à la redondance : Gore Verbinski signe le western déjanté Rango (2011), Wes Anderson le fantasque et sucré Fantastic Mr. Fox (2009) et Tim Burton transpose son univers comico-morbide avec Les Noces Funèbres (2005) et Frankenweenie (2012). Dans l’univers formaté et redondant de l’animation américaine, seul le génie de Henry Selick amène une alternative qui allie rêve et cauchemar, beauté et laideur, enfance et adulte. On lui doit L’Etrange Noël de Monsieur Jack (1993), James et la Pêche Géante (1996), Coraline (2009).


Epic : La Bataille du Royaume Secret regroupe ainsi toutes les dynamiques du cinéma d’animation américain contemporain. Ce long-métrage s’inscrit dans la course à la technique des studios américains qui rivalisent entre eux pour donner au public le film le plus abouti d’un point de vue du graphisme. Epic en est alors l’apothéose. Visuellement, jamais les textures n’ont été si palpables et si abouties. Chris Wedge et son équipe cherche à ancrer son image dans une réalité répondant aux critères du réalisme. Une quête du détail qui s’exprime par un cheveu en bataille, un rayon de lumière répondant sur le miroir d’une caméra fictive. Dans cette nature trompe-l’œil, le réalisateur prend le parti-pris de suivre ses micro-personnages à la manière de Larry, le père de Mary Katherine, par le biais de plusieurs « fausses » caméras disséminées dans la forêt. Le spectateur surprend un monde plus qu’il n’y entre.


Si la forme est spectaculaire oscillant entre réalité et fantasme d’une nature bien vivante, le fond condense les défauts tenaces à l’animation américaine et plus largement au cinéma américain. Tout d’abord, l’animation ne peut s’empêcher de faire de ses héros des personnages vides et sans intérêt tant la banalité de leurs sentiments bien-pensants laisse le spectateur de marbre. Seule une amourette courue d’avance égaie un peu le triste tableau de la fadeur de Mary Katherine ou de Nod. Pour intéresser le spectateur, les studios développent alors de savoureux personnages secondaires irrésistibles. Pour Epic, ce sera les gastéropodes Mud et Grub. Parfaitement réussi et extrêmement drôle, les personnages secondaires sont-ils voués au rire et les personnages principaux à la moral ? Cette distinction arbitraire entraîne le film dans un balancement fatiguant entre comédie et quête personnelle. La limace et l’escargot seront assurément les personnages qui resteront dans Epic. Seuls quelques long-métrage d’animation avaient réussi à faire de personnage principal des farces ambulantes : Kuzco (2000) et Bob Razowski (2001).


De plus, la famille américaine est-elle si atomisée qu’elle ne peut se concevoir sans le deuil ou le divorce ? Epic continue cette quête familiale de la construction de l’être en dehors d’un cercle familiale qui ne peut tenir et qui n’est plus une sphère solide. Mais la névrose américaine pour le déchirement familiale forcée (deuil) ou non (divorce) n’est-elle pas trop maladive et surtout trop répétitive ? Epic fonctionne amplement sans le passé familiale de Mary Katherine dont le but ne devient ainsi que lacrymal. Il est navrant de voir que le lien qui unit les deux mondes (Mary Katherine et Nod) ce n’est finalement que la connaissance commune, et donc universelle, de la perte d’un parent. Le monde serait-il si faible en idéaux et en coutumes pour nous affliger cela ? Dans le cinéma américain, l’absence d’un parent est un passage obligé lourdingue qui par sa répétition devient un cliché qui commence à faire sourire.


Epic : La Bataille du Royaume Secret est une réussite visuelle reposant sur un scénario comprenant les multiples ratés de l’animation américaine. Il reste cependant un bon moment aux ficelles prévisibles.


Le Cinéma du Spectateur

Contrechamp
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le 13 juin 2013

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