Ô la vie si parfaite des riches bourgeois qui portent même ce nom de famille («Arthur et Julie Bourgeois eurent cinq filles»)! Ô ces hommes doux et discrets qui n’osent pas hausser la voix même en se noyant et sombrent avec élégance et délicatesse d’un vrai gentilhomme! Ô ces femmes aux yeux de biches qui ne disent jamais un mot contre leurs époux (en fait, presque aucun mot du tout) et qui passent leurs vies en accouchant, en caressant les enfants et en accouchant de nouveau! Ô ces enfants calmes et obéissants qui, comme de bons domestiques, sont à chaque instant prêts à servir, jamais trop présents, mais toujours en alerte («Jules, viens ici!» - et il vient, sourire aux lèvres, sa peau douce à caresser)! Ô ce monde parfait, où est-tu? T’avons-nous perdu à jamais? Non, il est là, regardez la jeune fille si Française courir sur le pont à la rencontre de son petit ami si Français. Elle est peut-être une des 5467342 descendants des personnages principales qui sont minutieusement énumérés à la fin. Lui, peut-être, aussi. Pas de guerres, pas de salauds, pas de migrants, pas de déviations quelconques dans ce monde. Un film à faire pleurer un vieux lepeniste. On peut le prescrire comme une drogue sédative pour quelqu’un qui a peur du monde réel. Asseye-toi, regarde ces spectres élégants, écoute de la musique. Tout va bien. N’aie pas peur. Surtout ne quitte pas la salle.