Après le tonitruant retentissement de son dernier film, Boyhood, original dans son procédé et remarquable dans les risques qu’il a pris (le jeune Mason Jr est filmé depuis l’âge de 6 ans jusqu’à l’orée du College, avec exactement les mêmes acteurs, à raison de quelques jours de tournages en été pendant douze ans), Richard Linklater a suscité l’engouement, et son nouveau film, Everybody Wants Some !! était attendu. Après également la trilogie sur le couple formé par Julie Delpy/Ethan Hawke, filmée à dix ans d’intervalle, on se doutait que le film ne serait pas sans rapport avec sa précédente œuvre, l’homme étant donc coutumier du fait.


Selon les déclarations du cinéaste lui-même, Everybody wants some !! est un film très fortement apparenté à Dazed and Confused, un de ses précédents ouvrages : Alors que ce dernier a lieu en 1976 dans le cadre du lycée, le nouveau film se passe en 1980, la veille ou presque de l’entrée au College. Tourné vingt-trois ans après Dazed and Confused, il fait office de sequel bien tardif.


En effet, Richard Linklater a mis longtemps avant de pouvoir tourner cette suite écrite plus de dix ans auparavant, et d’une certaine manière, cela se sent. Sa reconstitution de l’année 1980 est pourtant irréprochable : des costumes aux décors, des dialogues à l’ambiance musicale, tout est rigoureusement collé à son époque. Non, ce qui semble anachronique, c’est véritablement la pertinence d’un tel film : le choix du sujet, de la forme et des moyens utilisés pour le film sont en décalage avec l’époque de sa réalisation.
Tout d’abord, le genre du film : Sports comedy, comme il est précisé dans le dossier de presse. Le récit concerne de jeunes bacheliers (pour des raisons inconnues joués par des acteurs visiblement plus âgés) qui vont entrer à l’Université, dans la future équipe de baseball : une thématique rétrograde par rapport à sa filmographie récente, surtout parce qu’elle est traitée d’une manière différente, avec des personnages caricaturaux, évoluant en boucle dans un environnement finalement assez loin du baseball -15 minutes d’entraînement sportif sur l’ensemble du film- : sexe, drogue, clubbing, sexe, drogue, clubbing... Dans ce même genre de films « sportifs », qui partage le même background texan, il y eut l’excellent Bliss de Drew Barrymore en 2009, sur le thème du Roller derby. Il y était également question de la constitution d’une équipe sportive et d’une amitié, cette fois-ci entre filles, mais le film est très intelligemment truffé de la vie quotidienne des protagonistes et de leurs relations interpersonnelles, les rendant totalement attachantes, avec la présence de quelques stars comme Ellen Page, Juliette Lewis ou encore Marcia Gay Harden. Par comparaison, le film de Richard Linklater manque singulièrement de profondeur. L’absence de têtes connues dans la distribution de Everybody wants some !! , mixée à l’inexistence d’une vraie intrigue enlève de l’intérêt au film.


Pourtant virtuose de l’art de raconter un quotidien qui n’a pas besoin d’une intrigue forte pour séduire, Richard Linklater a raté le virage cette fois-ci. L’histoire est celle d’une frat house hors campus qui abrite les futurs stars du campus (entrées gratuites et open bar dans les clubs du coin) , une dizaine de garçons que réunit l’amour et la pratique du baseball.


L’humour potache du film fait démodé au regard des nouvelles références américaines. Même si on admet que le cinéaste ne joue évidemment pas dans le même bac à sable, le thème fait penser à un film comme Nos pires voisins de son compatriote Nicholas Stoller, avec Seth Rogen en tête de pont : les frasques d’une frat-house également hors campus devenue folle et ingérable, aux yeux des voisins notamment, un film beaucoup plus drôle que celui de Linklater, et qui, comme tous les films de ce genre depuis Judd Appatow, allie une férocité et un dynamisme comiques absents d’Everybody Wants Some !! Et venant du Royaume-Uni, le récent Riot Club de Lone Scherfig est un tout autre autre exemple de film impliquant des étudiants rassemblés en cooptation plus ou moins amicale, une charge violente mais plutôt réussie sur la conscience de classe des grands bourgeois britanniques qui se passent les piaules d’Oxbridge de père en fils…


Ces exemples sont cités pour dire qu’il y avait mille façons d’explorer ce sujet, et que Richard Linklater n’en a choisi aucune, en se cantonnant à la surface des choses, alors qu’il tenait une poignée de solides personnages. Plutôt que d’exploiter les failles de ses personnages (Willoughby au lourd secret, Beuter le texan psycho-rigide, Jay le caractériel fou, ainsi que tous les autres qu’il a pourtant pris la peine d’affubler de caractères bien distinctifs), failles qui auraient pu nous introduire dans l’intimité de ces personnages, dans leurs rêves et leurs désirs, il a préféré les suivre de loin dans leurs fêtes, leurs dragues, leurs beuveries, leurs entraînements sportifs, laissant du coup le spectateur à distance.


Après plusieurs films très attachants, Richard Linklater déçoit avec Everybody Wants Some !!, un titre emprunté à un morceau de Van Halen, présent sur une bande-son vraiment excellente et éclectique, ainsi que Fearless des Pink Floyd sur l’une des scènes les plus intéressantes du film, ou encore Cars de Gary Numan ou Heart of Glass de Blondie pour ne citer qu’eux. Une bande-son exploitée à bon escient et qui permet au film de sauvegarder quelques plumes.


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Bea_Dls
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le 26 avr. 2016

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Bea Dls

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