Même pas un an après la sortie de son dernier film, qui ferme (?) la trilogie des Before (Sunrise, Sunset, Midnight), Richard Linklater sort son film fleuve, l'histoire d'une famille américaine sur une période 12 ans, des 6 ans de Mason Jr, jusqu'à l'orée de son entrée au "College", l'aboutissement de toute enfance plus ou moins réussie dans ce pays.

Le film est tourné par petits morceaux de quelques jours en été, 39 jours au total, avec les mêmes acteurs que l'on voit grandir et/ou vieillir sous nos yeux. Ayant fait le choix du 35 mm, malgré le fait que le numérique existait déjà au début de son épopée, Linklater nous livre un film esthétiquement totalement homogène, stable en quelque sorte. Une coupe de cheveux ou un autre petit détail marque le passage d'une année sur l'autre , toujours en été, de telle sorte qu'on n'est à aucun moment gêné ni par les ellipses, ni par la longueur du film et l'étendue de l'histoire.

Très attendu pour son procédé novateur, pour sa fabrication unique dans son genre, le film ne doit pas être résumé à cela. Son intérêt et sa réussite viennent du fait que les évènements qui touchent cette famille , le divorce des parents dès le début du film, les beaux-pères problématiques que cette mère célibataire s'est choisie comme maris successifs, les déménagements, le caractère même des 2 parents, dont un père très idéaliste de gauche, artiste aussi un peu, la réussite du film vient donc du fait que toutes ces choses patinent peu à peu Mason (et sa soeur Samantha dans une autre mesure) pour le faire devenir ce qu'il est devenu à ses 18 ans. Comment ces évènements l'influencent dans ses choix de vie, sa manière de penser, etc. Tout est montré de manière acérée et subtile à la fois par richard Linklater, et notre intérêt est captivé de bout en bout .

Il n'y a aucun sensationnalisme dans le film, qui est construit comme un tableau par petites touches, et pourtant, il porte une grande émotion pour les raisons citées plus haut. Aucune scène n'est gratuite, tout s'imbrique pour expliquer et nous partager une vie, cette vie, cette enfance, ce passage et cette naissance à à la vie adulte.

J'ai lu ici une critique assez dure où d'ailleurs le camarade critique a écrit avoir voulu utiliser le mot "fascisant" à propos du film de Linklater. Il me semble qu'au contraire Linklater arrive à montrer qu'une chose banale comme le divorce l'est de nos jours n'est pas si banale, induit des cascades d'évènements qui forgent un homme à devenir tel ou ne pas devenir tel autre. Que rien dans la vie de ce jeune Mason n'est anodin, et que son cocon n'est pas aussi douillet qu'on puisse le penser. Comme disait un de ses profs, choisir la voie de la photo n'est peut être pas la voie royale vers le succès. Penser qu'il y a ici une idéologie fascisante, du genre culte de la réussite (ou peut-être ai je mal compris le propos de mon collègue ), c'est à mon humble avis être passé à côté du film...

Film qui pouvait faire craindre la performance (voire la surperf) , Boyhood est une belle et tranquille réussite , sans tapage et pourtant porteuse de sens, bien meilleure par exemple par rapport à la trilogie des Before...
Bea_Dls
8
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le 2 août 2014

Modifiée

le 2 août 2014

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Bea Dls

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