Quelle purge. Je m'étais pourtant préparé à ne faire aucune comparaison, aucun parallèle avec un film culte dans mon panthéon enfantin, les fameux Dix commandements, avec un Charlon Heston biblique à l'affiche.


Ici, nous avons Christian Bale dans la peau de Moïse, à défaut d'être dans le personnage. Je ne suis pas contre l'approche scénaristique tentée, le doute de Moïse dans sa foi balbutiée pour un Dieu tyrannique (ici quasi sadique) mais ça tourne très vite en rond... Ensuite, il joue toujours mieux que Joel Edgerton, dont le seul jeu consiste à avoir la bouche plus ou moins entrouverte, l'air aussi hagard que dédaigneux tout du long. Ramsès méritait mieux.


Mais au final, ce n'est pas vraiment les acteurs le problème. Ni la réalisation d'ailleurs, Ridley Scott, même en pilote automatique, nous sert des cadrages soignés, barbouillés d'étalonnage numérique (nous aurons ici droit à une superbe palette allant du gris au bleu, avec quelques incursions vers le jaune sableux, les foufous).


Non, ce que ne va pas avec cet Exodus : Gods and Kings; c'est que rien n'est raconté, tout est survolé, jalonné d'ellipses incroyablement mal amenées (notamment sur la fin, quoiqu'au milieu et au début, ce n'est guère mieux). La rivalité entre Ramsès et Moïse ? Une bataille qui veut rappeler aux jeunes fans le prologue de Gladiator et puis c'est tout. La lutte de pouvoir du palais du Pharaon ? Une réplique et demi. L'exil ? En cinq minutes d'action (non, les survols de paysages arides, ça ne compte pas) c'est plié. Les dix plaies d’Égypte ? Expédiées comme on feuillette un Paris Match d'il y a dix ans dans la salle d'attente de son médecin traitant. L'errance dans le désert et la déchéance passagère du peuple hébreu ? Un arrière plan de bonhommes numériques qui dansent et puis ça suffit. Les personnages secondaires sont eux aussi sacrifiés. Aaron Paul (Joshua quand même !) a le droit au double de répliques de Sigourney Weaver, c'est à dire deux.


Et pourtant le film s'endure. Il m'a fallu m'y reprendre à deux fois pour en venir à bout. Le rythme est indigent, n’entraîne jamais, que ce soit dans l'épique ou le tragique. A peine un léger frisson pour la plus affreuse des plaies infligées au peuple d'Egypte... Guère plus.


Alors certes il y beaucoup à raconter, il doit certainement traîner quelque part une version longue de quatre heures qui explique un tel sacrifice narratif sur l'autel de la durée maximale dans les salles modernes de cinéma pour la version distribuée. J'ai envie de dire que dans ce cas, il ne fallait pas tenter de réaliser ce film du tout.

Hypérion
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le 30 mars 2015

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Hypérion

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