1. Liz Kloepfer a la vie idéale : une situation financière stable, une fille issue d’un premier mariage qui n’a pas détruit sa vie sentimentale et un nouveau compagnon formidable, le prince charmant que toute femme rêve, un certain Ted Bundy. Sauf que voilà Ted est arrêté du jour au lendemain par la police, qui l’accuse de plusieurs viols et meurtres atroces. Si Liz se bat au début de toutes ses forces pour prouver l’innocence de son conjoint, au fur et à mesure, il devient pourtant de plus en plus difficile d’ignorer l’inévitable : Ted est certainement l’un des tueurs en série les plus dangereux des Etats-Unis…


Inspiré de l’histoire incroyable de la petite copine de Ted Bundy, c’est de son point de vue qu’on assiste à la découverte de toute la monstruosité du célèbre tueur en série. Et c’est peut-être ça le problème. Nous suivons une jeune femme crédule qui pense sincèrement (comme à peu près n’importe quelle personne qui se retrouve dans ce genre de situation, je suppose) que son compagnon n’a rien fait.
Du coup, on a un premier défaut : on passe les trois quarts du film à sincèrement croire que Ted est innocent. Pour vous dire, j’ai carrément dû aller vérifier les crimes du bonhomme et il est vrai que Bundy a pu user de cette carte-là (l’innocence) pendant longtemps, surtout auprès du grand public, en raison de son charisme et de sa « belle gueule » (je le mets entre guillemets parce que, personnellement, je ne l’ai jamais trouvé charmant, même en ignorant ce qu’il avait fait). C’est d’autant plus étrange qu’on ne voit pas l’évolution vers le « ah mais en fait il était vraiment coupable », notamment parce que le personnage dont on suit le point de vue (Liz) vit très mal cette évolution. Liz est censée passer d’une phase totale de déni, à une phase alcoolique (on la voit prendre trois verres au total et c’est généralement le soir) à une phase d’aveux à une phase d’acceptation totale du comportement de son ex-conjoint. Et c’est très mal fait…
Pour deux raisons : la première est le ton que le réalisateur prend pour ce film et qui n’arrive jamais à être juste. Ou il s’implique trop dans la crédulité de la jeune fille, ou il est trop distant et on s’en fout un peu de voir la jeune fille (ou mêmes les victimes de Bundy, un comble !) souffrir. La deuxième raison est que le réalisateur voulait aussi garder le point de vue de Bundy et montrer tout son trajet, de sa première arrestation à son exécution. Et comme la vraie Liz a très rapidement rompu avec lui, autrement dit elle a fini par suivre le procès de son ex comme n’importe quel américain (à la télé), on finit par s’en moquer d’elle, de comment elle se reconstruit ou comment elle vit chacune des révélations qu’on fait sur son mec !
C’est encore plus frustrant que son point de vue était certainement très intéressant mais, à la place, on voit plus Bundy et sa nouvelle copine, Carole Ann Boones, et on finit par se demander pourquoi l’histoire ne s’est pas centrée davantage sur eux dès le début.
Pire que ça ! la révélation de malade sur elle, à savoir que c’est elle qui a contacté la police pour donner le nom de son petit copain à l’époque (parce que, malgré ce que le film veut nous faire croire -preuve qu’il est très mal monté, le comportement de Bundy l’inquiétait assez pour qu’elle le soupçonne dans les enlèvements du Lac Sammamish et appelle les flics !), tombe comme un cheveu sur la soupe et l’effet dramatique est… annihilé. Notamment parce que, à ce moment-là, elle a eu plusieurs occasions pour découvrir les preuves contre son ex (qu’elle a sciemment négligé, nous dit le film) et aussi parce que ça rend inconsistant l’autre perspective de sa relation avec Ted Bundy ! A savoir, selon ses dires (et de tous ceux qui connaissaient le tueur et qui ont résumé leur propre relation avec lui), qu’il avait un côté glaçant, un autre visage, un autre « lui » flippant qu’il cachait en permanence. De plus, Liz Kloepfer avait remarqué des choses étranges lorsqu’elle l’avait dénoncé anonymement (elle l’avait surpris une fois en train de regarder le bas de son dos dans son sommeil, avait trouvé du matériel suspect, des journaux sur les meurtres et disparitions, les soirs de « meurtres » qui correspondaient à des soirs où Bundy n’était pas avec elle, en plus du portrait robot de la police qu’elle trouvait ressemblant)… C’est ce que tout le film nous révèle à partir de ce moment-là mais, comme c’est mal équilibré et monté, et bien ça ne passe pas ! Et on peine à croire que Liz a sincèrement cru son compagnon innocent et elle coupable d’avoir par erreur prévenu la police !
N’aurait-il pas été plus intéressant de voir Bundy et Boones se battre pour innocenter Bundy, tandis que Liz, de son côté, se rappelait de tous les trucs bizarres qu’elle avait vus chez son copain ?
C’est d’autant plus frustrant que, ne parlant que très peu des meurtres et des éléments à charge contre Bundy, Joe Berlinger semble échouer sur tous les points : parler de Bundy et de ses crimes, parler de l’impact humain de ses actions, parler de l’impact sociétal… par compte, il est super fort pour reproduire mot à mot, image par image de véritables scènes du procès de 1979 ! D’ailleurs, en me demandant comment on avait pu donner la réalisation à quelqu’un d’aussi peu connu, je me suis rendue compte que c’était parce qu’il avait un documentaire, un an plus tôt, pour netflix sur… Ted Bundy ! Documentaire que j’ai regardé juste après le film parce qu’on me le proposait et qui est… mieux, beaucoup mieux. Déjà parce que Berlinger a plus les moyens de parler de chaque aspect de la vie de Bundy mais aussi parce qu’il arrive à jouer avec les images et à montrer à l’aide d’un montage rythmique toute la fascination de la société américaine pour ce personnage. Le hic est que je n’avais pas l’impression d’apprendre grand-chose de plus avec ce documentaire, parce que le film et le documentaire sont très (trop) similaires.
Là où il était pertinent de mettre en avant l’impact humain qu’a eu Ted Bundy sur la vie de ceux qu’il a croisés (victimes comme amis comme journalistes), cela semblait quelque peu étrange dans le film, pour les raisons évoquées plus haut. Et surtout, il a fait un copier-coller bête et basique de son documentaire qui, des deux formats, est celui que je recommanderai parce qu’il prend au moins le temps de présenter son sujet. Dans le film, comme il a fallu faire des coupes, et bien, les trois quarts des éléments deviennent anecdotiques…
Mais bon, il y a aussi de bons éléments ! Déjà, je trouve très intéressant de prendre un sex-symbol comme Zac Effron pour représenter le « charisme » du personnage. Ensuite, les acteurs sont bons, s’investissent pleinement dans leur rôle et se révèlent surprenants (Efron, il y a encore deux ans, était le beau gosse qui vivait de comédies loufoques). Ensuite, même si Berlinger échoue sur pas mal d’éléments (notamment parce que c’est un bon réalisateur de documentaires, pas de films), le chef opérateur et tout le reste de l’équipe font du bon boulot.
C’est juste triste qu’un film sur ce sujet soit aussi inoffensif et ne devienne intéressant que grâce au documentaire fait par le même réalisateur.

Créée

le 23 janv. 2020

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