De nombreux films passeraient inaperçus pour nous spectateurs, s'il n'y avait pas un contexte de visionnage qui les rendent si particuliers. Pour mon cas, ce film : « Fallait pas !.. » répond exactement à ce paramètre précis.
En effet, si en 1999, -sur une VHS dont la virginité n'était plus qu'un lointain souvenir - cette réalisation de Gérard Jugnot ne précédait pas sur la bobine « Balto, chien-loup, Héros des neiges » qui concentrait toute l'attention de ma prime jeunesse, alors, jamais, sans doute, je n'aurais entendu parler de ce film.
Il faut reconnaître que ce métrage n'a pas la notoriété des autres réalisations du moustachu au cri strident du Splendid. Sorti deux ans après « Casque bleu » et 4 ans avant « Meilleur espoir féminin » qui vaudra (pas loin d'être prémonitoire) une nomination pour Bérénice Béjo aux Césars. «Fallait pas !.. » fait ainsi figure de creux de la vague dans les propositions cinématographiques du réalisateur, malgré 800 000 spectateurs et une meilleure qualité que les films qu'il nous propose depuis 15 ans (« Boudu », « Rose et Noir », « C'est beau la vie quand on y pense »)


Comme à son habitude, Gérard Jugnot campe un de ses personnages préférés : le Français moyen. Celui-ci s'appelle Bernard Leroy. Certes, il est DRH, mais tout de lui est moyen : son patronyme est moyen, son physique est moyen, son courage est moyen. Par toutes ses qualités d'Homme, il est MOYEN (on finira par comprendre.) Bref, Bernard, participe à un séminaire d'entreprise en stage commando et cela la veille de son mariage. Sur le chemin du retour (Puisque sa présence semble indispensable. Même dans le patriarcat l'homme à des devoirs), victime d'un accident, il demande de l'aide en toquant à la porte d'un chalet qui s'avère être le refuge (de haute montagne) d'une secte (le Grand élan cosmique), dont le gourou, Magic (Jean Yanne), s'apprête à faire goûter à ses disciples une bonne dose d'apocalypse.
Notre brave Bernard, pris au piège, fait la rencontre de Sébastien (François Morel), personnage naïf et peureux, qui dans un élan de lucidité ou par une montée de trouille a renoncé face au grand saut vers Dieu promis par son maître. Les deux compères réussissent à s'enfuir du chalet avec la voiture du gourou qui contient également, dans une mallette, 2 millions de dollars (histoire que l'on comprenne bien qu'on est sur de la grosse secte internationale et pas une miteuse congrégation de reclus illuminés sur les coteaux de la Bourgogne.) A partir de ce moment commence une poursuite sur les montagnes enneigées de l'Isère.


Malgré un scénario peu approfondi, des personnages sans réelle épaisseur (nous y reviendrons.) et des situations remettant parfois en cause les lois de la physique, Gérard Jugnot et Philippe Lopes-Curval proposent au moins de s'emparer d'un sujet d'actualité. S'inspirant directement des suicides collectifs du Temple Solaire dans les années 90, il ne parvient cependant pas à en tirer toute la substance. En effet, la lecture est caricaturale, jusque dans le choix des tenues des disciples ressemblant fortement à celle des membres de la secte de Kih-Osk dans Les Cigares du pharaon.
Cependant, Jean Yanne, vêtu pour l'occasion d'une toque et d'un manteau de fourrure pour nous rappeler le caractère d'ours parfois mal léché que nous avons pu lui connaître, se donne à cœur joie d'en rajouter à l'écran pour montrer tout le ridicule de ce Magic, fils de Dieu. Dieu qui lui est apparu alors qu'il faisait les courses pour sa mère au supermarché.


A mon sens, le grand intérêt de ce film repose sur le nombre pléthorique de seconds rôles incontournables du cinéma français. Citons pêle-mêle : Annie Grégorio, Martin Lamotte, Eric Prat, Hubert Saint-Macary, Didier Caron, Maxime Leroux, Pascal Elbé (dont c'est la première apparition au cinéma, et qu'il est absolument jouissif de le voir se faire plastiquer sa guitoune de station-service par l'illuminé en chef) ou encore David Douillet, qui avant de jouer le lion dans Mask Singer, interprète le rôle (peu expressif) d'un des gorilles du Docteur Simpson (le grand méchant joué par Thierry Lhermitte, mais nous ne nous appesantirons pas sur ce personnage, sans réel intérêt ni impact sur l'histoire).
C'est aussi, l'occasion de voir François Morel faire ses « vrais » débuts au cinéma, fort de son succès dans « Les Deschiens », il campe un personnage un peu perdu, mais tendrement attachant qui noue avec Gérard Jugnot une amitié au fil de leurs déboires. Evidemment on se laisse cueillir du fait de la sympathie et de la simplicité naturelle qui se dégagent de ces deux acteurs.


Enfin, notons aussi la présence d'un duo magique du théâtre de boulevard : Sophie Desmarets et Jacques Jouanneau, ainsi que Micheline Presle et Claude Pieplu. Le premier couple, des petits châtelains vivant dans un château en ruine, et dont la fille (Michèle Laroque) attend le retour de son amoureux, Bernard (Ulysse), pour qui ils ont peu d'estime, lui préférant le préfet avec qui la future mariée était précédemment engagée.

Le second couple, joue les « parents » de Bernard, et leur présence ne sert qu'à essayer de donner de l'épaisseur au personnage de Gérard Jugnot.
La notion que j'évoquais plus haut (théâtre de boulevard), prend ici tout son sens, car, en effet, toute la partie se déroulant dans le château appartient à ce registre (acteurs, décors, situations, dialogues). Au final, nous nous rendons compte que ce film aurait pu être une pièce de théâtre à huis clos avec cette unité de lieu qu'est le château et de temps, et qui aurait pu s'appeler « En attendant Bernard ». L'usage du téléphone aurait suffit à faire le point sur la situation de notre pauvre héros perdu dans sa quête initiatique. C'est à se demander si Gérard Jugnot ne s'est pas trompé de support.


Au total, nous pouvons estimer que ce film, léger, est regardable, appréciable par certains de ses dialogues, par le choix et la présence de nombreux acteurs que l'on a plaisir à découvrir tout au long de l'histoire. Signalons aussi la musique de fin interprétée par Renaud qui récidive 15 ans après Viens chez moi j'habite chez une copine. Bref, pour tout cela mon baromètre indique un 5,5/6 sur 10 pour cette sixième réalisation de Gérard Jugnot.


(Retrouvez d' autres critiques de mes merveilleux compères ou de moi même sur Facebook et notre toute jeune page : Stork en Stock https://www.facebook.com/Stork-en-Stock-115907799789444/ )

Sarrus-Jr
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le 17 déc. 2019

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