(Vincent, François, Paul...et les autres, Claude Sautet, comédie dramatique, 1974.)


Certes, Sophie Desmarets, Charles Trenet, Gérard Barray, Paul Crauchet, Jean Genet et Guillaume Canet, mais ce qui nous intéresse aujourd'hui, c'est de savoir que Claude Sautet, et pour sauter, il saute magnifiquement d'un genre à l'autre. Après un policier en 1971 (Max et les ferrailleurs), puis un triangle amoureux, en 72, dans « César et Rosalie ». Il ajoute, en 1974, de nouveaux prénoms à sa filmographie avec « Vincent, François, Paul... et les autres ». Dans ce film, il extrait un passage de la vie d'un groupe de copains qui traverse quelques turbulences.


Un dimanche brumeux d'hiver un groupe d'amis joue au foot dans un pré. L'ambiance est chaleureuse dans les frimas, on réclame des fautes, on crie à l'injustice, on tire un coup-franc, on marque un but, c'est la joie démesurée d'un foot entre copains. À ce moment, on ne peut présager que ces hommes puissent avoir des problèmes. Quel homme raisonnable de plus de 30 ans peut jouer au football, alors qu'il est submergé par les ennuis ? Non, c'est impossible. Pourtant, entre Paul (Serge Reggiani) -Oui, je triche sur wikipédia pour les prénoms, mais reconnaissez qu'il y en a beaucoup- écrivain sans inspiration, François (Michel Piccoli) médecin qui voit sa femme le tromper sans s'en cacher, Jean (Gérard Depardieu) boxeur amateur et jeune employé de l'entreprise que dirige Vincent (Yves Montand) chef d'entreprise en instance de divorce. Bref, il y a de quoi se faire pas mal de mauvais sang.


Ce film nous invite à assister à l'évolution de chacun, mais très vite, on comprend quel axe va suivre le réalisateur. On peut voir deux camps celui de Paul et Jean d'une part et celui de François et Vincent.
D'une part, Paul, l'écrivain avec plus d'encre dans sa machine que sur le brouillon de son prochain bouquin et Jean le boxeur hésitant à accepter un combat, sont ceux qui sont les moins à plaindre, car ils peuvent compter sur l'amour sans faille de leurs compagnes. 
D'autre part, François, médecin propriétaire d'une clinique privée. Professionnellement tout lui réussi, mais son entourage pense avoir perdu celui qu'il connaissait 15 ou 20 ans plutôt. Le jeune médecin idéaliste, chantre de la médecine gratuite pour tous. Aujourd'hui, il cherche la rentabilité et s'asseoir sur un énorme tas de pognon, délaissant le goût de ce qui fait la vie : ses amis, sa femme qui ne le voit plus que comme le tronc d'un arbre creux, sans sève, sans vie.
Et Vincent, celui qui inspire à tout son entourage l'idée même de l'homme qui entreprend, qui réussit et se sort de toutes les impasses. Or, là, il est pris à la gorge. Son entreprise est au bord du gouffre et il ne trouve plus le ressort suffisant pour y arriver, amis, collègues, banques personne ne veut l'aider. Mais c'est à se demander s'il a vraiment encore la flamme pour s'en sortir. Il l'avoue de lui-même tout ce qu'il a entrepris c'est pour la femme qu'il aimait pour l'impressionner, mais pris à son propre piège, il ne s'est plus trouvé qu'à s'occuper de lui-même et de son affaire.


Mais la vie étant ce qu'elle est, elle ne manque pas de vous envoyer quelques signes qui vous ramènent à l'essentiel. Ce film sur la « crise de la cinquantaine » est une histoire d'hommes qui se sont perdus dans leur recherche d'absolu. Mais le tragique qui est partout et que l'on refuse pourtant de voir, les rappelle à l'ordre.


Bref, ce métrage de Claude Sautet est un petit bijou dans la longue liste de ces films qui prennent le temps de s'arrêter sur des moments de l'existence et qui n'attendent pas que tous les problèmes se résolvent pour dévoiler le mot fin.
Servi par quatre acteurs magnifiques, un Reggiani un peu alcoolique, un Montand plus que cabot que jamais, mais quand vous avez la classe on ne peut pas vous le reprocher et un tout jeune Depardieu qui n'a rien à envier aux autres et offre par son rôle la bouffer d'air frais qui empêche l'histoire de tourner uniquement autour d'un trio de quinqua. Celui qui est le bénéficiaire du récit de ces parcours de vie illustre le partage intergénérationnel.
Enfin, je consacre ces dernières lignes au jeu en retenu, mais tout en puissance et en colère de Michel Piccoli. Il aura participé à façonner le paysage du cinéma français, avec cette vigueur et cette délicate et élégante virilité qui lui allait si bien.


En somme, ne passez à côté de ce film. Vincent, François, Paul...et les autres, sont les grands frères tragiques du quatuor « d''un éléphant ça trompe énormément » d'Yves Robert (pas étonnant que l'on y retrouve un ADN commun entre les deux films, puisque l'on retrouve l'excellent Jean-Loup Dabadie aux différents scénarios.). #VFP&autres c'est l'histoire de chacun et de tous maintenant ou à venir, donc prenez des notes.


Signé Sarrus Jr.

Sarrus-Jr
8
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Créée

le 21 mai 2020

Critique lue 212 fois

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Sarrus Jr.

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