Si The Big Lebowski m’avait clairement laissé sur ma faim, tandis que No Country For Old Men s’apparentait à l’un des tous meilleurs thrillers jamais vu pour finalement se conclure poussivement, Fargo s’est empressé de me prodiguer une claque jouissive à même de me réconcilier avec la fratrie Coen (simple exagération).


Les faits sont là : leur sixième long-métrage, semblant de comédie policière semblable à nulle autre, est un enchantement de bout en long, et surtout une génialissime alchimie ; en ce sens, oui, Fargo parvient à faire rire, et il le fait bien, ceci en maintenant un équilibre démentiel entre humour noir et contenu en soi gravissime, la prédominance de son orientation polar s’y couplant à la perfection.


Fargo n’est ainsi pas tant comique que cela dans le fond, bien au contraire, seulement voilà : les déboires du malheureux Jerry Lundegaard, ici associé à deux malfrats pas très finauds (Carl et Gaear), accouchent de situations hilarantes bien malgré elles ; cette propension drôlatique trouve en grande partie son origine dans un ton immensément crédible, le film brillant d’un réalisme tangible à souhait.


Les protagonistes y sont pour beaucoup, et par extension le formidable casting aussi : William H. Macy s’illustre en gendre ambitieux dépassé par les événements, Frances McDormand possède un charme particulier vous désarmant avec aisance, Steve Buscemi est le phoney guy par excellence, la mine patibulaire de Peter Stormare ne vous laisse jamais tranquille… et cette liste n’est pas exhaustive (on pourrait aussi citer Harve Presnell et John Carroll Lynch).


Tout ce beau monde gravite autour d’une trame simpliste de prime abord, mais le récit savamment écrit captive à n’en plus finir ; l’ambiance y est d’ailleurs singulière, les paysages enneigés du Minnesota et de Dakota du Nord se trouvant sublimés par une BO atmosphérique de Carter Burwell, tandis que l’état d’esprit animant leurs habitants parachève ce tableau atypique mais définitivement fascinant.


Entre humour distillé avec parcimonie et suspense délectable, Fargo happe ainsi le spectateur sans jamais virer dans le grandiloquent, l’enquête rondement menée de Marge Gunderson s’avérant aussi limpide que brillamment construite, le tout agrémenté de rebondissements savoureux comme pas deux ; ce protagoniste central illustre d’ailleurs à merveille l’aura crédible se dégageant du long-métrage, fort de dialogues justes mais percutants, les figures principales comme secondaires bénéficiant d’un traitement simple, si ce n’est sincère.


La madame tout le monde qu’est Marge en est donc un parfait exemple, aussi ne peut-on que s’attacher sans tarder au devenir d’une telle galerie ; le dénouement, logique mais intéressant car doublé d’une tournure morale pertinente, rappelle d’ailleurs fortement celui de No Country For Old Men, à ceci près que la conclusion de Fargo trouve un meilleur écho que celle du désabusé Shérif Bell… ceci grâce à l’incroyable Marge Gunderson, dont le consciencieux développement confère à cette ultime scène sur le lit conjugal une portée marquante.


Bref, Fargo constitue à lui seul une expérience unique en son genre, et dont on ne ressort pas indemne : entre humour noir dévastateur (oui, on a le courage d’en rire) et violence usée à bon escient, mise en scène virtuose et casting aux petits oignons, voici une sommité de la comédie policière, et l’un des tous meilleurs Coen à n’en pas douter.

NiERONiMO
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 23 juil. 2015

Critique lue 283 fois

1 j'aime

NiERONiMO

Écrit par

Critique lue 283 fois

1

D'autres avis sur Fargo

Fargo
Gand-Alf
10

Le rouge et le noir.

En grand fan juvénile de Steve Buscemi, j'ai découvert "Fargo" à l'âge de treize ans et le verdict fut sans appel: je me suis fais chier comme un rat mort, n'y trouvant pas la violence décomplexée...

le 21 mai 2014

148 j'aime

37

Fargo
Sergent_Pepper
8

Vertiges de la lose

Fargo, c’est avant tout une ligne droite, cette saignée grisâtre dans la neige qui trace avec une mélancolie infinie une direction unique, aussi tragique que pathétique. Les protagonistes ont beau...

le 28 juin 2015

127 j'aime

17

Fargo
DjeeVanCleef
9

L'effet boule de neige

Un jour, à force, des gens vont en avoir marre mais la neige, purée... J'étais en sixième . De jolis cheveux qui tombaient en cascades de glace sur mes épaules de puceau. De glace parce que c'était...

le 5 janv. 2014

111 j'aime

23

Du même critique

The Big Lebowski
NiERONiMO
5

Ce n'est clairement pas le chef d'oeuvre annoncé...

Voilà un film qui m’aura longuement tenté, pour finalement me laisser perplexe au possible ; beaucoup le décrivent comme cultissime, et je pense que l’on peut leur donner raison. Reste que je ne...

le 16 déc. 2014

33 j'aime

Le Visiteur du futur
NiERONiMO
7

Passé et futur toujours en lice

Un peu comme Kaamelott avant lui, le portage du Visiteur du futur sur grand écran se frottait à l’éternel challenge des aficionados pleins d’attente : et, de l’autre côté de l’échiquier, les...

le 22 août 2022

29 j'aime

Snatch - Tu braques ou tu raques
NiERONiMO
9

Jubilatoire...

Titre référence de Guy Ritchie, qui signa là un film culte, Snatch est un thriller au ton profondément humoristique ; le mélange d’humour noir à un scénario malin et bien mené convainc grandement,...

le 15 déc. 2014

18 j'aime

3