Une montagne de muscles carénée comme un Panzer fait les cent pas dans une cellule. Deux gardiens sont en route pour venir le chercher. On devine qu'il va sortir. Il respire bruyamment, regarde une vieille photo jaunie par le temps comme pour se rappeler pourquoi il va faire ce qu'il s'est psychologiquement préparé à faire pendant ses 10 piges de cabane.
Il est déterminé. Jamais l'expression « tourner comme un lion en cage » n'aura paru si appropriée. Dans les cellules voisines, des fauves encore encagés lui rugissent des chapelets de menaces à la gueule. Mais il s'en fout royalement. Tant qu'on lui laisse le temps d'accomplir la mission qu'il s'est fixé, qu'importe ce qu'on lui réservera ensuite.
Chaque son est heavy. Chaque pas, chaque bruit de porte, chaque tic-tac d'horloge, chaque bouffée d'oxygène pèse aussi lourd qu'une baleine à bosses qui aurait avalé une école de Sumos.

Le directeur de la prison, interprété par Tom « The Substitute » Berenger (qui semble avoir répondu à l'appel juste pour nous rappeler l'expression « être et avoir été »), a des choses à lui dire avant de le relâcher dans la nature. Il y met les formes, convoquant Khalil Gibran et tout. Mais notre montagne de muscles s'en bat les steaks. Un directeur de prison qui cite un poète, le Victor Hugo libanais qui plus est, ça lui en touche une sans faire bouger l'autre.

« Where is the exit » seront les seuls mots du bonhomme dans les 15 premières minutes du film. Ce moment, tu sens qu'il l'attend depuis une paye alors pas de temps pour les bavardages et les considérations philosophiques à la mâchouille moi le prépuce.

Une fois libéré, il se jette d'ailleurs à l'assaut du monde. Il est au milieu d'un nulle part désertique et personne ne l'attend, mais il en a rien à foutre. Alors il se met à courir. C'est peut-être la scène la plus ridicule du film parce que franchement, cavaler comme Forrest Gump quand on a le physique du garde-manger en chêne massif qui trône dans la cuisine de ta mamie depuis 47, c'est aussi facile que de faire sauter des crêpes avec son cul.

Pendant que son héros galope sous un soleil qu'on imagine de plomb, George Tillman Jr, le réal, nous met du miel dans les oreilles avec un vieux titre des sixties, « Goodbye My Friend » des frangins Guido et Maurizio DeAngelis. Le genre de chanson pour laquelle je ne verrais aucun inconvénient à enfourner quelques biftons dans les chaudières voraces de l'industrie du disque. La musique, voilà un point sur lequel Faster ne vous décevra pas. Chapotée par Clint Mansell en personne, la BO est mortelle et tend à prouver, comme le soin apporté à la photo et à la mise en scène, que le film n'a pas été mis en boîte par dessus la gambette.

On parle, on parle et la musique nous fait bander mais pendant ce temps, Musclor arrive à ce qui semble être une casse abandonnée où l'attendent une grosse bagnole yankee, un gun à barillet façon Charles Bronson, un itinéraire et la veste en cuir de Christophe Hondelatte. Sauf que notre gars, il ne fait pas entrer l'accusé, il va à sa rencontre, et avec fracas qui plus est.

Avant de descendre de sa bagnole, il jette un dernier coup d'œil à la photo de son frère et lui, comme pour inspirer une bouffée de détermination en se souvenant des raisons pour lesquelles il s'apprête à entrer dans la dernière ligne droite des ténèbres où il avance depuis 10 longues années. Ce mec n'est pas mauvais, ce sont les circonstances qui ont fait de lui cette machine de guerre à qui même Terminator donnerait du Monsieur.

Il traverse la rue sans l'ombre d'une hésitation. Pire, il se jette dans la circulation d'un pas décidé, sans prêter la moindre attention aux voitures qui menacent de venir s'écraser contre lui. Il ne court même pas. Il est inébranlable, plus que jamais en mission.
Il ne prête guère attention à la vie qui l'entoure, aux gens qu'il croise ou à la standardiste qui tente de le retenir à l'accueil. Le genre de personnage qui aurait été un caillou dans la chaussure d'un Terminator mais qui n'existe même pas notre Big Guy.

Puis il se retrouve nez à nez avec sa cible, un télémarketeur roux qui a illico capté ce qui allait lui arriver, et le refroidit d'une bastos en pleine carafe sans autre forme de procès. Il n'est pas juge après tout, juste bourreau.
Un rapide coup d'œil à la caméra de surveillance et il repart comme il est venu. Vite et plus que jamais décidé à poursuivre son épopée punitive.

J'aimerai vous dire que ce premier quart d'heure animal, nerveux, sans concession et bien branlé donne le ton du film, mais ce serait mentir. En revanche, il installe à la perfection le personnage interprété par The Rock, lequel trouve ici l'un des meilleurs rôles de sa carrière et de loin.

Je sais que l'animal ne veut plus trop qu'on l'appelle comme ça. Il préfère Dwayne Johnson maintenant. Sans doute parce que ça fait plus « acteur ». Même si je trouve que son blaze a autant de style que toute la garde-robe du cast d'Ocean's 11 réuni, ça ne me dérange aucunement. Ceci dit, et sans vouloir lui manquer de respect, je vais malgré tout continuer de l'appeler The Rock le temps de ce papier parce que son pseudo sied parfaitement à ce qu'il est ici : une montagne de colère et de détermination qui incarne l'inéluctable.

Même Chris Pine et Denzel Washington ne pourraient pas l'arrêter et j'vous rappelle qu'ils ont stoppé un train qui était instoppable. Ca peut sembler un peu con dit comme ça, mais si The Rock est inarrêtable, c'est notamment parce qu'il va toujours de l'avant. Lors des deux scènes d'échange de tirs du film, alors que ses assaillants se mettent à couvert, lui préfère foncer l'arme au poing vers le pistolero adverse, allant même jusqu'à recharger son pétard à découvert. Ok, c'est un peu con con je veux bien le reconnaître. Rater un gus tanqué comme The Rock dans un couloir, c'est comme prendre une douche avec Marianne James et ne pas réussir à lui toucher les boobies. N'empêche que pour ce que ça dit du perso, c'est intéressant.

A ce sujet, les plus observateurs d'entre vous noteront sans doute qu'après avoir accompli sa besogne, The Rock disparaît plus souvent qu'il ne part. Ce n'est plus un être humain, c'est un ange de la mort. D'ailleurs, à chaque fois que son humanité refait surface ou que le doute semble tenter une percée en lui, une nouvelle scène vient nous rappeler qu'il a mis de côté tout ce qu'il avait d'humain en lui au profit de sa détermination à venger son frère.

Chaque fois qu'il va rendre justice, The Rock épingle son regard à celui de sa victime. Brièvement, mais suffisamment longtemps pour que chacun se souvienne des événements qui ont créé cette situation. Le temps pour lui d'intégrer ce qu'il s'apprête à faire et de rester un homme déterminé sans devenir une putain de chaise électrique pour autant, le temps pour l'autre de comprendre qu'il va mourir et de savoir pourquoi.

Je les vois d'ici les grands chambellans du 7e art, railler avec sarcasme mes considérations sur le talent d'acteur de The Rock, mais fuck off les gars, il est bien réel.
Si dans Faster il est plus question d'incarnation et de présence que d'interprétation, l'ancien catcheur star parvient tout de même à faire passer quelque chose, notamment à travers son regard. On voit ainsi une nette différence entre le jeune mec apeuré qu'il était lors du braquage et celui qu'il est devenu. Et tout ça sans dialogues.

Le même film avec Takeshi Kitano et les proportions d'eau et de sperme dans vos corps se seraient inversées.

Ceci dit, force est de reconnaître que le film a été plutôt mal vendu, titre et trailer cherchant à surfer sur la sortie prochaine de Fast Five. Rien à voir. Ca serait comme de vendre l'intégrale d'Emmanuelle à un fan de porno gonzo. The Rock est un ancien catcheur hyper baraque, mais il ne casse pas de gueules et n'utilise pas ses muscles autrement que pour créer une tension et imposer le respect. Et ça marche ! Le gentil gars de la Fée des Dents ne donne pas vraiment envie de se fendre la bille dans Faster, sauf si vous êtes le genre de demeuré qui glousse comme de la cochonnaille devant la pub « I'm fruiiiiiiit » d'Oasis.

Breeeeeeef. Si The Rock porte avec talent ce personnage, c'est aussi parce qu'il est bien écrit, un modèle du genre presque. En effet, les scénaristes parviennent à nous jeter au cœur de l'action d'entrée de jeu tout en plantant un décor qui fait qu'on accroche cash express à ce perso mutique dont on ne sait rien. Puis au fur et à mesure que se tisse l'histoire et que le film avance, ils nous filent quelques crayons supplémentaires pour donner des couleurs au perso et le comprendre un peu mieux. Le tout sans vraiment nous dire où colorier. Pas mal.

Là où ça chie dans la colle en revanche, c'est dans le traitement des deux personnages secondaires du film et par conséquent, dans la gestion du fil narratif du bordel.
A l'inverse de ce qu'il a fait pour son ange de la mort testostéroné, Tillman renonce ici à son choix de dépouillement narratif et se croit obligé d'installer Cop et Killer dans des backgrounds plus fouillés. Le premier est donc un flic miteux, en bout de course (comprendre à une semaine de la retraite, comme c'est original), et camé jusqu'à l'os avec des problèmes familiaux qui semblent lui peser lourdement sur le ciboulot.
Le second est un névropathe obsessionnel british qui après avoir fait fortune en vendant sa start-up a décidé de se reconvertir en super beau-gosse mais surtout en tueur à gages. Sa vie est chouette, sa meuf est bonne, mais manifestement il a un problème.
Notre problème, c'est qu'on se fout du sien. Et de celui du flic aussi.

D'ailleurs, chacun fonctionne un peu comme une béquille de l'autre, Killer ayant en plus vocation à être une espèce de trait d'union en bois entre le Cop et Driver (vous noterez d'ailleurs le manque de logique de tout ça : on ne leur donne pas de noms, mais on leur colle une histoire).

En plus, le personnage campé par The Rock est si fort que les deux autres ne sauraient être considérés comme des éléments perturbateurs ou je ne sais quoi. C'est limite si on se demande s'ils ne sont pas là parce que Tillman ne se sentait pas capable de gérer pendant 1h30 la tension et l'adrénaline exhalant de son perso principal. Faudra lui demander.

Toujours est-il que les deux persos auraient gagné à ne faire qu'un. Le Killer avec le background du Cop, c'eut été idéal. Au lieu de ça, on a deux personnages dont on se contre-carre les roupettes et à qui le metteur en scène cherche à donner du relief (The Rock a beau être une montagne, t'étais pas obligé Georges) alors que leurs blazes laissent à penser qu'ils étaient censés n'être que des persos que tout le monde connaît déjà. Dommage bis.

J'allais oublier ce dont tout les gens qui n'ont pas vu le film me causent depuis que j'en chante les louanges: ouais y'a un aspect religieux dans Faster. Perso, ça ne m'a pas posé de problèmes pour deux raisons: d'abord, parce qu'il est plutôt bien amené dans l'histoire et ensuite parce que la religion est présente naturellement, comme elle est présente dans la société américaine, et qu'elle ne pèse pas nécessairement sur le héros. En revanche, elle sert à montrer, de façon un peu simpliste mais bon, qu'on peut avoir été très mauvais et changer pour de vrai. Pas vraiment le genre de truc auquel nous a habitué le cinéma de genre de l'Oncle Sam.

En définitive, Faster est un vrai un film d'action au sens premier du terme. Prenons la définition du Petit Robert puisque ce galopin sait tout mieux que tout le monde : « Ce que fait quelqu'un et ce par quoi il réalise une intention ou une impulsion ». Si j'y étais rédacteur, j'ajouterais « Exemple : Faster ».
Bien servi par une photo travaillée et une bande son heavy et porté par un The Rock dantesque, il mérite sa chance. Vraiment.
Mogadishow
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le 11 mars 2011

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