Steven Spielberg a-t-il perdu son mojo ?

On avait quitté Steven Spielberg en pleine débâcle artistique avec le Bon Gros Géant, sa catastrophique adaptation du célèbre livre de Roald Dahl. Il fallait donc se remettre en selle fissa. Comme à son habitude, il enchaîne un film grand public avec un film plus sérieux, en l'occurence Pentagon Papers.


Emballé c'est pesé en 6 mois comme une réaction épidermique à la catastrophique élection de Donald Trump, Pentagon Papers est un de ces films qui revient sur un fait d'actualité essentiel du passé pour mieux nous parler du présent. Et D.ieu sait que c'est plus que jamais nécessaire par les temps populistes qui courent. Malheureusement, si les bonnes intentions suffisaient à faire de bons films, ça se saurait.


Comme Zodiac ou Spotlight, Pentagon Papers est avant tout un hommage à ces journalistes qui prennent des risques pour nous rapporter la vérité, ne pas laisser les puissants s'en sortir impunément ou pour protéger leurs sources. Le souci, c'est qu'à l'inverse de ces deux films, Pentagon Papers se fracasse contre le mur de sa propre auto-satisfaction et ne parle à personne d'autres qu'à ceux qui sont déjà d'accord avec son propos.


Il faut dire que la forme n'aide pas beaucoup. Tom Hanks cabotine comme jamais, c'est longuet, les femmes regardent Meryl Streep avec la même admiration qu'une rangée de jeunes actrices aux Oscars et les scènes pompeuses se succèdent, appuyées en cela par la partition à l'avenant de John Williams qui a l'air de croire que c'est la suite de Coach Carter qu'on lui a demandé de mettre en musique.


A l'inverse d'un Spotlight, le film passe totalement à côté des combats intérieurs menés par des journalistes tiraillés entre leur professionnalisme et leur loyauté envers leurs amis, et contrairement aux Hommes du Président, il ne parvient pas non plus à reconstituer l'ampleur de ce que le Post a accompli pas plus que la violente pression présidentielle qui pesait alors sur la presse.


Humant l'air du temps, le film s'est aussi empressé de reconstruire le personnage de Katherine Graham en icône féministe avant l'heure, sans s'embarrasser de la moindre subtilité dans la construction de son évolution psychologique. Elle subit juste une armée de connards rétrogrades vendus au capitalisme qui mansplannent toute sa carrière pendant 1h30 avant d'avoir une épiphanie qui, ironiquement, est tout sauf féministe puisqu'elle replace la femme dans son éternel rôle de mère.


Côté mise en scène, c'est évidemment soigné comme du Spielberg mais trop facile puisqu'on se cogne les habituelles scènes d'imprimerie et de salle de rédaction avec des journalistes qui courent jusqu'au bureau de leur red chef. Petite nouveauté ici cependant, l'action se passe aussi en coulisse, dans la belle maison de la patronne de presse, dans la boardroom du conseil d'administration du journal ou encore lors de soirées où se côtoie le gratin de Washington, comme pour rappeler que dans cette ville, les pouvoirs ne sont jamais vraiment séparés. S'il dit malgré tout quelques trucs pas inintéressants et très actuels sur le monde, le journalisme et la place des femmes dans la société, c'est quand il parle de l'ingérence du pouvoir économique dans la presse et de la collusion entre politique et journalisme que Pentagon Papers est le plus intéressant.


Malheureusement, c'est loin d'être suffisant, d'autant plus que sa volonté de happy-ending sur fond de triomphe de la liberté de la presse et du 1er amendement finit d'enterrer toutes ses bonnes intentions.


Steven, va falloir se ressaisir fissa !

Mogadishow
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le 14 janv. 2018

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Mogadishow

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