âmes sensibles s'abstenir, ce film est dur, très dur. Il aborde sans complaisance, mais hélas sans exagération, la haine au sein d'un couple trop vite marié, trop vite parent avec l'enfant qui trinque au milieu. Un des traits les plus déplaisants de la Russie - j'allais dire contemporaine, mais en fait non : la littérature du XIXe siècle, un certain cinéma soviétique et les statistiques depuis qu'elles existent témoignent de la permanence de ce fait : la famille russe est un champ de bataille, où la violence psychologique atteint des sommets, où la communication n'est plus possible. Principale victime : les enfants, poids-morts encombrants, nés sans désir, défouloir des frustrations et rancoeurs accumulées par les parents, aussi coupables l'un que l'autre, eux-mêmes sans doute victimes d'un désamour dans leur enfance. Et encore, ici l'auteur a le bon goût de nous épargner la violence physique qui souvent l'accompagne (mais pas toujours). Bon attention, tous les parents russes ne sont pas comme ça, au contraire, l'autre pendant - syndrome de la mère juive - existe bel et bien et est également très répandu, heureusement d'ailleurs.
D'autres thèmes plus contemporains sont également évoqués de façon saisissante : l'hédonisme égoïste et la superficialité des idiots instagramisés, qui n'ont eux par contre rien de spécifiquement russe.
Oeuvre très dure donc, mais incroyablement bien filmée, sous l'influence de plusieurs pointures : Tarkovski, Antonioni, Malick, Louis Malle. Pourtant, je l'avoue, ces plans fixes en ouverture sur des branches d'arbre enneigées, m'ont fait un peu peur pour la suite. Il y avait effectivement de quoi frémir, mais à cause du fond, car la forme est splendide et captive le spectateur avec un climat étouffant et sordide, qui évite pourtant le glauque insupportable - on ne sait trop comment. Certaines séquences sont réellement magnifiques avec des cadrages à tomber, où une émotion poignante. Par exemple ce plan fixe du gamin qui pleure en silence, complètement paniqué, en se bouchant les oreilles pour ne pas entendre ses parents se disputer, aussi simple qu'efficace, une vraie flèche décochée dans le coeur du spectateur. Enfin, il faut relever la performance des acteurs, remarquable, juste et criante de vérité.
le petit point cancel culture
De la violence familiale, c'est bien d'en parler, même si celle-ci ne reste que verbale et psychologique. Mais sur ce terrain, madame se défend toute seule - et plutôt bien. Eloge de la stratégie individuelle égoïste que la commission des oeuvres autorisées ne peut pas cautionner. Davantage de manichéisme - halte au concept fumeux des torts partagés ! - auraient été en outre plus fidèles à la réalité ; cet oubli est regrettable et pour tout dire suspect.