De la sidérurgie au conservatoire, la folle jeunesse d'Alexandra Owens

"Il faut pas croire tout ce qu'on dit. Je suis pas devenue danseuse étoile comme ça. Je suis pas devenue première danseuse de l'Opéra de New York sans en chier. J'en ai bavé, mon petit reporter de mes deux. Je viens de la banlieue, je suis une sans-dent. Il a fallu que je combatte les préjugés, que je change ma manière de m'habiller, de bouger, de parler, de rire, de manger, de séduire... Et là, je parle comme une soudeuse parce que j'ai un coup dans le nez mais si tu me prenais en pleine journée, je parlerais comme une dame. A partir de cette foutue audition, tout a changé. Mais bon, on est là pour parler d'avant si j'ai bien compris. Le New York Magazine est bien curieux je trouve. Il veut faire un papier sur mes origines mystérieuses. Et ses méthodes pour faire parler ses sujets sont bien douteuses. Du Bourbon ! Bref, où j'en étais. Ha oui ! Pittsburgh, 1983, la jeune Alexandra Owens (mon nom de jeune fille que j'ai toujours gardé malgré mes trois mariages) est soudeuse. SOUDEUSE ! Genre je soudais. Sans mentir. J'étais la seule maigrichonne de la boite. Mon boulot c'était de souder. J'étais aussi danseuse. Mais attention pas strip-teaseuse, ça me débecte. Non non, juste exotique, un peu olé olé, mais pas à poil ! Jamais. C'était plutôt inhabituel, soudeuse le jour, danseuse la nuit. Mais j'avais besoin d'une motivation pour répéter et d'un job pour me nourrir, c'était la crise. Ça faisait dix ans que les usines, les mines, les aciéries fermaient les unes après les autres. Et Reagan qui ne faisait rien ! Enfoiré de Reagan. Enfin bref, je continuais à danser parce que je voulais tenter l'audition du conservatoire de Pittsburgh. A l'époque je m'en faisais une montagne mais vois le trou que c'était. Que des petites pétasses bourgeoises sans talent. Je sais pas trop pour quoi j'ai mis des plombes à me décider. Faut dire que tout m'est tombé sur la gueule en un laps de temps très court. Ma meilleure copine, qui faisait du patinage, se plante à sa propre audition. Elle s'appelait Jeanie. Du coup je flippe et je tergiverse. Au même moment, je me faisais harceler par un type gras. Mais il y en avait partout des connards. A Pittsburgh comme ailleurs. Ensuite, je suis tombé amoureuse de mon patron au haut-fourneau. Un vieux beau au charisme d'endive mais il était subjugué. Il a fini par devenir mon premier mari, ça a duré six mois, mais c'était intense. Et encore, je vous ai pas dit quand ma grand mère de substitution est morte subitement. C'était le pompon. C'était éminemment Dickensien. Comme si un scénariste vicelard voulait me plonger le nez dans la merde. Enfin bref, j'étais vraiment une cruchasse. J'avais pas grand chose pour moi, heureusement que j'étais jolie. J'aurais très bien pu finir comme ma copine Jeanie dans un trou à rat sordide. Si je m'étais décidée dès le jour de mes 18 ans, on n'en serait pas là. Parce que j'avais quand même répété pour cette audition toute ma vie sans le savoir. Alors est-ce que c'est vraiment intéressant que je vous raconte mes six mois de doutes ? Avec mes histoires de langouste, de sidérurgie et de misère sociale ? Même avec un montage dégueulasse et de la musique de l'époque, j'en voudrais pas pendant une heure et demi. Non ? Bon ben voilà, on va s'arrêter là je pense. Il n'y aura pas de deuxième rendez-vous. Le reste vous savez déjà tout."


New York Magazine - 12 février 2018
A la demande d'Alexandra Owens, cette interview, pour ne pas dire monologue, n'a pas été éditée.

MrShuffle
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le 12 févr. 2018

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