Flightplan est pour moi une redécouverte. Vu trois fois au début de ma cinéphilie, son souvenir m’a accompagné pendant la décennie qui a précédé le revisionnage du 18 février.


Je l’avais trouvé marquant pour différentes choses que j’ai toutes retrouvées, notamment son ambiance saturée de tension de bout en bout & sa qualité de film psychologique aussi cruel que magnifique, très américanoptimiste dans le traitement & pourtant assez froid dans l’ambiance. J’avais beaucoup moins de repères il y a dix ans, ce qui prouve, au choix, la précocité de ma lucidité analytique, ou bien que l’œuvre a vraiment de quoi laisser une forte impression.


J’avais aussi perçu une rupture d’ambiance aux trois quarts du film qui m’a, pour le coup, paru totalement absente cette fois-ci : monté en un bloc, le scénario n’a de rupture que la montée dans l’avion, lequel servira de décor à toute l’histoire, sauf ses dix premières minutes & les cinq dernières.


Dans ce “tube” rempli d’humains, il y a Foster & sa fille, Marlene Lawston, qui fait bien ce qu’elle veut de sa vie mais qui aurait quand même bien mieux fait de ne pas disparaître des écrans, scrogneugneu, parce qu’elle est de ces enfants acteurs légendaires qui questionnent du haut de leurs trois pommes l’inné de l’acting. Elle va aussi disparaître du film car c’est l’intérêt de l’histoire : la mère qui panique, la pression qui monte, l’équipage qui se mobilise & la foule de passagers (à la fois distants & très présents) qui s’agite, voici posées les solides fondations d’un bon thriller psychologique.


Ce qu’on ne sait pas encore, c’est qu’il y a deux couches psychologiques, que Foster pourra assumer (& dont elle sera à même d’assurer la surprise) parce qu’on est au summum du respect démontré envers l’actrice. Elle a été comme un poisson dans l’eau dans beaucoup de rôles, mais celui-ci exploite mieux que jamais son aptitude à transmettre à la caméra son instinct de mère (expérience dejà réussie avec Little Man Tate & Panic Room) tout en lui donnant des responsabilités & une personnalité à la hauteur de son intelligence – de quoi compenser, voire justifier, une part énorme des libertés grotesques que le scénario prend par moments.


Ensuite, Sean Bean est parfait, en plus il ne meurt pas. Autre point commun avec Panic Room : la profondeur des décors, qui fonctionnent dans toutes les directions & dans toutes les dimensions. Cette formule, qu’on pourrait considérer comme “bien commode” pour des scénaristes du frisson (étant donné surtout le grotesque des reconstitutions avioniques, largement dénoncé) se trouve là encore toujours justifiée, ici par ce qu’on n’a pas encore compris, là parce que le côté humain a été suffisamment soigné pour s’interposer & imposer sa raison (quoiqu’on en exploite ici la périphérie la plus savoureuse, évidemment, & que Peter Sarsgaard ne sait pas comment le faire sans être aussi juste dans son expressivité qu’un chêne constipé).


D’ailleurs, quand je parle de “ce qu’on ne sait pas encore”, ça me fait penser rétrospectivement qu’aucune tension n’est laissée au hasard. Parfois elle recouvre ce qui deviendra seulement stressant lorsqu’on aura vu tout le film. Un peu comme s’il se basait sur un danger dont il ne nous fait saisir l’ampleur que très longtemps après – comme une rupture de ton pour l’esprit –, ce qui n’est pas son but réel mais qui représente clairement sa portée.


Je pense que c’est pour cela que, malgré les dix ans qui ont passé, Flightplan n’a jamais cessé de me fasciner & qu’aujourd’hui encore je sollicite ce jusqu’au-boutisme mental qui ne fait aucun gaspillage de l’émotion du spectateur. En tout cas, ce n’est pas grâce aux quelques minutes où Schwentke se prend pour Michael Bay avec ses deux ou trois scènes d’action ridicules & ses effets spéciaux montés bizarrement.


Flightplan part pour être un coup de cœur au long cours & de… haut vol. Sa méticulosité & son fondu au blanc final rempli d’espoir me donnent celui de l’apprécier encore dans dix ans.


Quantième Art

EowynCwper
7
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le 20 févr. 2020

Critique lue 141 fois

Eowyn Cwper

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