Le problème de Forrest Gump (le film, pas le personnage), c'est qu'à trop vouloir en raconter, il ne raconte... absolument rien. Et pourtant, il y a de quoi faire : toute l'histoire des États-Unis dans la deuxième moitié du XXe siècle, une grande idylle amoureuse entrecoupée de drames, un personnage atypique et dysfonctionnel, un cadre original (les 3/4 du film ont pour base... un banc), etc. Ce ne sont pas les idées et les angles qui manquent. Et pourtant, au final, il est facile de s'ennuyer : la fresque historique sonne faux (car tirée par les cheveux), l'histoire d'amour sonne faux (car aléatoire et prévisible dans son dénouement), le personnage principal sonne faux (car trop bête sans être attachant) et le cadre, point d'orgue de tout le film, sonne faux aussi (car ce ne sont pas toujours les mêmes personnages qui suivent l'histoire, et que les premiers n'en ont globalement rien à fiche). Bref, tout ce qui pourrait potentiellement donner un film génial tombe à l'eau, parce que rien n'est exploité jusqu'au bout et parce qu'en oscillant constamment entre la comédie absurde et l'émotion matraquée, Zemeckis ne se trouve pas la moindre piste d'atterrissage.
Tom Hanks, d'ailleurs, n'arrange rien : son Forrest Gump est raide comme un piquet. Il paraît dénué d'émotions dans son attitude, mais trop en proie à ces dernières dans son discours ; l'alchimie ne prend pas.
Autour de ça, un budget qui part dans tous les sens, des scènes phénoménales qui n'apportent pas grand chose, des personnages secondaires relativement bâclés (à part le lieutenant Dan, et peut-être, dans une certaine mesure, la mère de Forrest), et une écriture si automatique qu'elle enchaîne les coïncidences les plus irritantes en perdant le spectateur au passage.
C'est dommage, parce que le fim m'a vraiment ému dans ses trente premières minutes : le petit Forrest qui tente de se frayer un chemin dans un monde cruel et sans pitié ne peut que susciter la nôtre. Après ça, le petit Forrest devient grand, et par la même énervant, rageant, antipathique. On ne comprend pas pourquoi il court (c'est pourtant le propos du film, à peu de choses près), on ne comprend pas pourquoi il ressent le besoin de raconter toute sa vie à des inconnus au vu de son relatif silence pendant le flash-back, on ne comprend pas pourquoi Jenny traverse toute l'Amérique avant de réaliser enfin que sa place est auprès de son amour de jeunesse : bref, on ne comprend pas grand chose. Bien sûr, certains films cherchent davantage à toucher, à faire rire, à émouvoir plutôt qu'à être compréhensibles et cohérents ; le problème, c'est que le film de Robert Zemeckis n'arrive jamais à être tout à fait l'une de ces trois choses.
On obtient, au final, un film plein de potentiel, d'idées folles et d'images splendides, mais qui rate étrangement le coche en oubliant d'avoir un propos ou de le rendre tangible. Ni le personnage principal (inspide), ni la musique (trop classique), ni l'humour (trop effacé) ne viennent rattraper les nombreuses erreurs commises dans un métrage qui, sous une autre forme et sur un autre ton, aurait pu faire des merveilles.