« Je ne suis pas bordélique, j’ai juste mieux à faire. »
Cette phrase pourrait résumer à elle seule l’esprit du film et ainsi la personnalité de son héroïne. Du genre maladroite, un brin fantasque, Frances semble avancer sur un fil, prête à vaciller mais ne tombant jamais. Elle veut devenir chorégraphe. Seulement pour l’instant, elle donne uniquement des cours de danse à des jeunes filles ne dépassant pas l’âge de raison. 27 printemps pour cette jolie blonde que l’on suit enchaîner les colocations et passer d’un quartier new-yorkais à l’autre au gré des rencontres.

C’est après le tournage du génial Grennberg que le réalisateur Noah Baumbach et la jeune actrice Greta Gerwig (vue dans l’esthétique et charmant Damsels in Distress) ont imaginé ce scénario et construit le personnage féminin. A la scène comme ville, ces deux là ne se quittent plus et cette rencontre enrichit pleinement leur créativité respective.
Filmé en noir et blanc, FRANCES HA alterne les moments de purs délires régressifs avec des intervalles mélancoliques menés par un personnage central extrêmement bien écrit.

Ce cinéma indépendant américain, malgré des citations assumées (La Nouvelle Vague, Truffaut avec la musique des 400 Coups et de Domicile Conjugal) n’est en rien élitiste et encore moins formaliste. Il saisit au contraire un état de la société actuelle, d’une jeunesse finalement plus très jeune qui tente de trouver un équilibre entre ce à quoi elle aspire et la réalité concrète de devoir payer un loyer. Avec un scénario qui se permet toutes les audaces (partir un week-end à Paris en restant quasiment 48 heures dans un lit), le film est d’une modernité sans cesse renouvelée à la fois dans le fond et la forme.

Alors qu’elle est invitée par un ami à pouvoir fumer à l’intérieur d’un appartement, Frances murmure « j’ai l’impression d’être une mauvaise mère en 1987 ». Drôle, piquante, mal habile, entière et « incasable » comme la surnomme l’un de ses coloc, cette figure féminine contemporaine rappelle dans son sujet la série Girls. Ce n’est d’ailleurs pas anodin si l’on retrouve Adam Driver dans les deux fictions.

27 ans dans son corps et la folie d’une fille de 14 dans la tête, Frances est en décalage permanent. Finalement la question serait peut-être: qu’est-ce qui différencie aujourd’hui une fille d’une femme? Le couple, le travail, une prise de conscience, le fait d’être bordélique ou pas ? Mais le film est plus subtil et donne la plus belle des réponses possibles : C’est le regard des autres qui nous définit, dans leur iris nous nous reflétons. Qu’importe finalement le statut social dans lequel la société nous classe et étiquette. Comme Frances, nous aspirons simplement à trouver dans le regard amical ou amoureux croisé au hasard de la foule et lavé de toute possessivité mesquine, une complicité profonde, hermétique au reste du monde et qui nous rend meilleurs.

Libre de ses mouvements comme de ses propos, se heurtant à une société désenchantée et matérialiste, cette jeune femme est l’un des plus beau portrait féminin de ces dernières années. Et c’est avec plaisir que l’on aimerait « jouer à la bagarre » avec elle dans un square new-yorkais.

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Auteur : Aurélie
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le 20 juil. 2013

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