Passion destructrice

La passion. Ce drôle de truc qui nous fait faire à peu près n'importe quoi tombe sur le coin de la tête de Frank, un cuisinier talentueux, et Lola, une étudiante en stylisme, pour les réunir envers et contre tous. Mais comme on ne peut pas être heureux trop longtemps en ce bas monde, le revers sombre de ces premiers instants parfaits inhérents aux idylles fulgurantes ne tarde pas à apparaître : la jalousie exponentielle de Frank atteint des proportions étouffantes, le comportement autodestructeur de Lola en miroir fragilise leur relation et l'apparition de l'obsession perverse d'un troisième protagoniste en cours de route va même la mettre littéralement en danger...

"Frank & Lola", c'est la passionnante lente explosion qui va découler de la rencontre de toutes ces pulsions malsaines et antagonistes avec pour seule lumière/fil rouge l'innocence sentimentale qui émane de ce couple capable de glisser dans les pires abysses à tout moment. Lorsque les regards de Michael Shannon et Imogen Poots se croisent, les étincelles sont là, c'est indéniable, un couple de cinéma naît sous nos yeux, un vrai, de ceux d'un cinéma d'une autre époque, d'autant plus que Matthew Ross inscrit visuellement son premier film quelque part dans cette veine du glamour noir où les affaires amoureuses prenaient subitement les dimensions d'un polar sombre comme la nuit. Les parasites (Rosanna Arquette, Justin Long, l'excellent Michael Nyqvist...) et leurs faux-semblants autour des deux amants ont beau s'accumuler, leur fragilité provient avant tout d'eux-mêmes, de leurs failles et émotions les plus profondes. Ce seront eux les seuls responsables de la survie ou de l'anéantissement de leur couple. Le plan final du film, sublime, en sera d'ailleurs le parfait reflet.

Mais, malgré tout ça, "Frank & Lola", c'est aussi un truc qui a parfois la mauvaise manie d'aller lorgner du côté des thrillers érotico-softs américains un peu gênants.
Pour exemple, le fait d'avoir donné à Frank le métier de cuisinier sert uniquement à justifier de manière grotesque les allers-retours du personnage entre Paris et Los Angeles. En l'espace d'une journée, on le verra ainsi préparer un poulet rôti pour un concours "Top Chef" (il met de la truffe dedans, c'est son secret et c'est très prenant), tenter de tuer quelqu'un et finir sa soirée au bras d'Emmanuelle Devos (?) dans un club où il est apparemment interdit de porter des vêtements. La magie de Paris, quoi...
Les parties cuisine/de jambes en l'air françaises semblent provenir, pour la première, d'une mauvaise romcom afin d'installer Frank dans une normalité de pacotille, et pour la deuxième, d'une intention stupide d'émoustiller le spectateur hollywoodien par une idée ridicule de l'exotisme des nuits parisiennes. De très mauvaises directions scénaristiques qui ne cessent de couler le propos d'une première oeuvre au potentiel pourtant bien présent.

En fait, il y a vraiment trop de parasites qui tournent autour de Frank et Lola, autour d'eux et de l'histoire de leur couple en elle-même, car c'est bien là le coeur du film (Michael Shannon et Imogen Poots ne font que le rappeler par leur intensité) et non dans des pistes artificielles qui ne cessent d'en affaiblir la portée.