Freddy contre Jason
4.9
Freddy contre Jason

Film de Ronny Yu (2003)

Dix ans après cette séquence énigmatique à la fin de « Jason Goes to Hell », qui annonçait déjà l’affrontement entre Freddy et Jason, est désormais chose faite. Les deux personnages sont devenus iconiques au point d’occulter jusqu’au titre de leurs franchises. Ce n’est donc pas « A Nightmare on Elm Street » Vs. « Friday the 13th », qui s’affrontent, mais simplement le prénom des deux tueurs emblématiques.


« I miss my children for all too long »


Cette réplique, prononcée par Freddy, agit directement en écho à Robert Englund, qui n’a pas interprété le rôle depuis 1994 ! Et encore, c’était un « Freddy » hors canon. Donc techniquement le Freddy ici à l’écran est plutôt celui de 1991, après 12 ans d’absence. Contrairement à Jason, qui et apparût trois ans plus tôt. Néanmoins, dans ce cross-over ce n’est plus Kane Hodder qui prête sa silhouette au personnage.


Rencontre au sommet s’il en est, le métrage de Ronny Yu croise pourtant deux franchises qui en 2003 ne semble plus avoir grand chose à offrir, en reprenant d’entrée de jeu les codes classiques du slasher. Comme ce sont les mêmes pour les deux sagas, toute la mécanique sonne parfaitement. C’est moderne, avec un montage vif, c’est un peu méta, en jouant avec les références, le tout couvert par une bande son très Metal des années 2000 (Il Niño, Chima, Type O Negative…).


Fun, rythmé et décomplexé dans l’horreur, « Freddy vs. Jason » tient absolument toutes ses promesses. Il s’ouvre par un résumé des évènements de « A Nightmare on Elm Street », avec un montage des morts de la saga et des final girls qui lui tiennent tête. Il est expliqué que Freddy à disparût car les enfants l’ont oublié. Son mythe n’étant plus alimenté, ses pouvoirs s’amenuisent. Lui vient alors l’idée lumineuse de faire revenir Jason à la vie (une fois de plus, une fois de moins…) afin de le lâcher sur des jeunes buveurs de bière et fumeurs de joints, à la libido démesurée.


Il s’introduit dans un rêve de Jason, et voici à quoi ça ressemble : Crystal Lake, pleine lune, une jeune fille se dénude pour prendre un bain de minuit. Bien entendu le tueur la surprend et la tue. Donc les songes de Jason ressemblent grosso modo à un « Friday the 13th », pratiquant la même activité qu’au quotidien. C’est un homme de peu de besoins, finalement.


Freddy planifie que les meurtres de Jason le doute va planer sur la communauté du patelin. Son nom va ainsi finir par ressortir, et alors il pourra retrouver sa puissance et (re) venir hanter dans leurs rêves toute une jeunesse vendue ici comme superficielle.


« Since then, I let Jason have Some fun »


Cette réplique de Freddy résume totalement l’idée même du film, et de la saga « Jason » : du fun. En roue libre totale, tellement heureux de ce retour impromptu à la vie, Jason se met à dézinguer tout le casting sans relâche. Forcément Freddy se frustre, et se retourne contre sa marionnette. Le premier meurtre du tueur au masque de hockey, voit une lame plantée à travers le matelas, un classique des « Friday the 13th », comme le fait qu’il plie ensuite le mec en deux. Ce n’est pas la première fois qu’il utilise ce savoir-faire, laissant sous-entendre que Ronny Yu est un connoisseur de ce dont il parle.


Cela est visible dans la construction des même des personnages, comme Lori, une jeune femme traumatisée par le décès de sa mère, qui dès le départ apparaît comme celle qui va grandir des épreuves qui s’annoncent. Il est possible de la deviner rapidement final girl, puisque le métrage utilise tellement tous les clichés, en connaissance de cause, qu’il en devient un peu prévisible.


Le père de Lori, constitue en ce sens un stéréotype du vieux réac’, hyper protecteur, qui ne laisse aucun espace a sa fille pour respirer. Il incarne l’échec du modèle parental prônant le « Fait ce que je dis et tais-toi ». Cette conception morale rigide, retire à l’ado sa liberté de devenir un individu capable de se forger son propre libre arbitre. Et il en va de même pour tous les parents de cette communauté, qui droguent leurs enfants à leur insu, pour les empêcher de rêver. Le monde adultes est présenté comme fourbe, incapable de faire confiances à ses progénitures.


À partir de là, il est légitime de se demander comment ces ados peuvent se construire, prisonniers d’une cage dorée idéologique. De plus, la drogue qui leur est donnée à leur insu est non-homologuée. Et si elle est mal dosée elle peut plonger dans le coma. Niveau déontologie médicale c’est quand même grave, mais venant des parents envers leurs enfants, c’est à se demander qu’elle place peuvent occuper ces jeunes gens à qui les parents volent la jeunesse.


Pour la représentation de l’institution, c’est le même topo. La police est composée d’incompétents incapables de comprendre la situation. Elle est dirigé par un vieux monsieur au cheveux rare et gris, entouré de jeunes officiers inexpérimentés. Le seul flic un tant soit peu compétent, se retrouve vite prisonnier d’une hiérarchie dépassée, qui lui refuse toute confiance.


Il en va de même pour l’institution psychiatrique, lors d’un passage très « One Flew Over the Cuckoo’s Nest », qui apporte une texture dramatique pas inintéressante. Ces jeunes placés à l’asile sont considérés comme fous, à cause de Freddy. Mais au lieu d’être écoutés par les adultes, bloqués dans une vision hermétique du monde, ils sont enfermés dans ce qui ressemble plus à une prison qu’à un établissement de santé.


Tout le récit est ainsi construit comme un « A Nightmare on Elm Street », suivant scrupuleusement le schéma classique, tout en explorant l’univers onirique du boogey man. C’est ainsi Lorie qui se rappelle du prénom de Freddy et le fait revenir dans le game. La responsable est donc la final girl, qui doit apprendre de ses erreurs, accepter d’avoir foutu la merde, et fait tuer tous ses amis. Une Nancy-like sortant peu des cadres. En ce sens le film s’avère un peu trop « classique ». Une fois de plus.


Avec son mélange de slasher, teen movie, stoner movie, « Freddy Vs. Jason » n’évite aucun cliché d’ados. Allant du geek au sportif, en passant par le foncedés. Nouvelle époque, nouvelle mode, les fumeurs de hachich ne sont plus des hippies, mais un croisement entre le Grunge et le Nu metal. IUn sens du cool démodé, correspondant aujourd’hui aux quarantenaires ringards.


Dans la mouvance des slasher post-« Scream », « Freddy Vs. Jason » est ainsi ancré dans son temps. Les deux antagonistes sont ici adaptés au monde de 2003, cela ne fait plus d’eux des boogey man made in eighties, mais une évolution moderne, perceptible dans les thématiques qu’appréhende le film.


Il est question ici de harcèlement, à travers le personnage de Charlie, un gentil geek, qui se fait maltraité par les sportifs, clichés d’abrutis décervelés. Mais surtout, le film aborde une thématique peu évidente, mais déjà un sous-texte des « A Nightmare on Elm Street » : le viol. Une séquence présente ici l’une des protagonistes complétement saoul, lors d’une rave. Elle est alors abordée par un teufeur, qui décide de profiter de l’occasion.


Cette séquence pose problème, tout d’abord par le fait que cette représentation de la jeunesse s’avère des plus stéréotypée, à la limite d’une perception réac’ de la part des créateurs du métrage. Ensuite, Jason puni le violeur mais il tue aussi la jeune femme, comme si elle portait une certaine responsabilité. Surtout, le meurtre du violeur se veut un petit peu gag. Cette démarche peu judicieuse empêche d’explorer sérieusement la thématique, et toute la séquence se révèle un peu vaine et même gratuite, un comble quand la nature de Freddy est celle d’un prédateur sexuel. Du fait la scène tombe un peu à plat, et ce n’est pas la seule dans l’ensemble du film.


Concernant la rencontre au sommet annoncé, il s’avère recommandé de prendre son mal en patience. En effet il faut attendre pas moins de 50 minutes, avant de voir apparaître sur le dos calciné d’un ado, des lettres formant la phrase : "Freddy's Back''. Le show peut alors commencer. Là où dans les années 80 Jason et Freddy se combattaient sur le terrain du box-office, cette fois ils s’affrontent à l’écran. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils s’en foutent plein la gueule. Le “Vs.” n’a rien de mensonger, tellement le film parvient à remplir toutes ses promesses. Vulgairement, ça castagne sévère.


Freddy et Jason, c’est en plus deux style très différents. Le premier prend un plaisir malsain et pervers à harceler et tourmenter ses victimes. En adéquation avec le prédateur sexuel qu’il est, il choisit des proies faciles, par pur pragmatisme. Pour le second, il demeure fidèl e à sa nature triviale et primaire, qui se résume à tuer tout ce qui passe.


Freddy évoque un serial killer d’un autre temps, un vieux de la vieille, qui cite même du Roosevelt : “’There is nothing to fear, but fear itself”, pourquoi pas… Jason lui, c’est une victime, un enfant simplet, mort par négligence. Le film reprend d’ailleurs l’idée qu’au contact de l’eau il redevient ce petit garçon noyé en 57, comme une séquence de “Jason Takes Manhattan” en 1989. Cela inclut donc parfaitement ce “Freddy Vs. Jason” dans le canon de la saga du tueur du vendredi.


Epique s’il en est, voir Jason défoncer Freddy sur des riffs metal, ça reste un moment hyper jouissif quand même. Si sur le terrain des victimes Jason remporte haut la main l’affrontement, puisque mano a mano il a la supériorité physique, c’est un gros bourrin. Si Freddy détient la ruse, sur le plan créatif c’est bien Jason le winner. Une mention spéciale lui revient lorsqu’il transperce Freddy avec son propre bras, qu’il a arraché un peu plus tôt.


Parfois un peu raté, il est vrai, comme ce moment à 50 minutes passé, où l’un des protagonistes se met à expliquer la situation. Cette scène s’avère dispensable, et un peu condescendante pour le public. Le film ne résiste pas non plus à sombrer dans un humour potache peu pertinent, à l’instar de cette séquence où Kelly Rowland pratique un bouche-à-bouche sur Jason… Où encore le stoner, qui au beau milieu d’un mode “chat et la souris” dans l’hôpital, décide de s’arrête pour fumer un bédo. C’est un peu too much, et surtout ça donne l’impression qu’ils ne savaient pas où mettre cette scène.


Situé au début de la vague de remakes des hits horrifiques des 80’s, ce « Freddy Vs. Jason » peut être vu à l’ombre de cette mouvance. Passé son postulat de départ, le film ressemble un peu à n’importe quel slasher, bien qu’il parvienne à proposer autre chose qu’un simple remake ou reboot opportuniste. Par le biais du cross-over mythique, il s’octroie son originalité.


Au final ça reste une œuvre vraiment fun, même si le côté Teen Movie reste un peu trop appuyé et daté, mais c’était alors dans l’air du temps. Au-delà de ça, il accuse plutôt bien le poids des années, comme témoin d’une époque. Merci pour cela au générique d’IlI Niño, qui met une de ces patates et remet bien le métrage dans son contexte.


Body Count Jason : 17 + une dans son rêve.

Body Count Freddy : 2 (le premier au bout de 48 minutes, quand Jason en compile déjà à 13) + Freddy brûlé vif par les parents d’Elm Street + Freddy tué par les enfants dans un rêve + Freddy laissé pour mort par Lori, laisssé à la merci de Jason. Record égalé à 41 minutes. Un total de 22 morts dont 3 fois Freddy quand même. Le mec est un cave. Sur 43 noms au générique, seule la moitié du casting y est passé. On a connu mieux.


Right until the end…

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le 13 mars 2020

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