Fritz The Cat est peut-être trash et provocateur, mais en fait il a été réalisé par des gens sages. Sorti en 1972, ce film d'animation classé X aurait pu dater de la décennie d'après sans être bien différent, mais ce n'est pas signe qu'il était avant-gardiste : au contraire, il fait penser à l'utilisation des codes du flower power par la génération des aînés, normalement récalcitrants, qui en font l'expérience et découvrent en s'exclamant « oh, fichtre, les bras m'en tombent ! » que ça peut être fun (né en 1938, Bakshi est de l'ancienne école et n'a pas encore réalisé son très sage Seigneur des Anneaux animé).
Fun, ça l'est : psychédélique mais organisé, Fritz The Cat révèle le potentiel d'euphémisation du dessin animé, qui peut se permettre d'aller plus loin dans la trashitude d'avec des prises de vue réelles puisque ce n'est "que du dessin". Le film a fonctionné malgré son rang X parce qu'il a éveillé les curiosités, et c'est tant mieux car il saisit ainsi l'essentiel de la révolution sociale.
Mais en-dehors de scènes mythiques où s'allient perspectives et couleurs pour dépeindre par exemple la poudrière sociale de Harlem ou le désert californien, il n'y a pas vraiment de trame et Fritz lui-même sera bringuebalé de péripétie en pérégrination comme une victime des circonstances (that's what we are). Le fait-même de quitter New York pour San Francisco (qu'on ne verra finalement pas) n'est pas la rupture voulue dans la représentation d'un lifestyle post-hippie, et devient celle qui coupe le film en deux parts très inégales. C'est presqu'injuste de dire cela d'une création qui a vu le jour sans budget ni de terreau stimulant, mais Fritz le Chat ne va pas au bout de son idée et ça laisse encore sur sa faim aujourd'hui.